La note 04 – mai 1996
OPÉRATIONS D’AMÉNAGEMENT EN DIFFICULTÉ : RÔLE ET RESPONSABILITÉ DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Les difficultés d’opérations d’aménagement ont largement alimenté la chronique de l’actualité de ces dernières années. Et les commentaires sont allé bon train pour ce qui était du rôle et de la responsabilité des communes. Mais qu’allaient faire les collectivités locales dans cette galère ? Déjà les commentaires sont allé bon train pour ce qui concerne les plus grands établissements financiers de la place qui se sont largement engagés dans l’immobilier avec les succès divers que l’on sait et le recours aux contribuables pour financer, au moins en partie, les pertes constatées. L’engagement des collectivités locales sur l’aménagement obéit-il aux mêmes ressorts ? Doit-on en attendre les mêmes effets ?
C’est qu’en ces affaires le rôle et la responsabilité des communes sont fort importants aussi bien comme cause de la situation actuelle que comme voie de sortie des difficultés rencontrées.
La collectivité publique, organisatrice de l’aménagement
À première vue une opération d’aménagement consiste en la simple production de terrains à bâtir, c’est-à-dire à acquérir des immeubles pour les viabiliser en vue de les revendre à des promoteurs . Il s’agit en quelque sorte de fournir aux promoteurs immobiliers de la matière première à l’exercice de leurs activités : des terrains pour construire. Et cette définition, pour restrictive qu’elle soit, conduit à s’interroger sur l’utilité ou la légitimité d’une intervention de la puissance publique et cela d’autant plus lorsqu’il est fait référence au cas d’opérations pharaoniques ou, pour employer des termes plus discrets, hors marché : peut-on concevoir – puis admettre – que ces opérations ont été initiées par des collectivités territoriales. Mais cette approche ne suffit pas à rendre compte de la complexité de la problématique de l’aménagement.
Il faut tout d’abord noter que l’aménagement – au sens de production de terrains à bâtir – inclut la notion de maîtrise foncière, sans laquelle toute opération de construction est difficilement envisageable. Et la maîtrise du foncier est de la compétence de la puissance publique simplement parce qu’elle suppose la mise en oeuvre de moyens qui ne relève pas des agents économiques[1] : le droit de préemption et les procédures d’expropriation dont la loi réserve l’emploi aux personnes publiques et qui ne sont – au fond – que des modalités de limitation du plein exercice du droit de propriété à des fins d’intérêt général[2]. Les procédures d’aménagement ne sont ainsi qu’un moyen de maîtriser les emprises foncières destinées à la construction d’immeubles ou d’ouvrages de toutes natures.
Mais il faut aussi rappeler qu’une opération d’aménagement ne consiste pas seulement en la production de terrains à bâtir : elle vise aussi et surtout à organiser l’espace urbain et donc le cadre de vie des citoyens : et cette compétence incombe pleinement à la puissance publique à toutes les étapes d’une opération d’aménagement[3]. Et sur ce point, la responsabilité des communes est d’autant plus importante que les citoyens et les usagers sont de plus en plus sensibles à leur environnement et qu’il n’hésitent pas à sanctionner leurs élus sur des projets estimés inadaptés : il suffit, pour s’en convaincre, de se remémorer certaines campagnes électorales lors des dernières municipales qui ont eu pour thème principal telle ou telle opération d’aménagement de la municipalité sortante. Pour être plus précis, il incombe bien aux collectivités publiques de prévoir et de définir l’usage du sol : veut-on construire des immeubles de bureaux, des centres commerciaux, des cinémas – et il faut noter le récent débat sur la nature des cinémas qui pourraient être considérés comme des équipements commerciaux -, des logements sociaux ou non, des équipements publics : crèches, médiathèques …
On le voit donc, une opération d’aménagement fait intervenir, pour sa conception et son déroulement la collectivité publique – la commune dans la plupart des cas – et cela alors même que le citoyen, l’usager et le contribuable ont beaucoup de mal à s’y retrouver lorsque – comme c’est le cas le plus fréquent – les intervenants sont nombreux, qu’il s’agisse de la commune représentée par ses élus et ses services, de l’aménageur, public ou privé, des promoteurs, des entreprises, des architectes…
La commune, opérateur d’aménagement
D’un point de vue général, une opération d’aménagement ajoute à la production de terrains à bâtir la réalisation d’équipements publics[4]. Et pour la définition de ces équipements comme pour leur réalisation, la commune aura à intervenir[5]. Même si elle recourt à un prestataire, la commune ne se déchargera pas totalement de sa qualité de maître d’ouvrage et sera, de ce chef, opératrice d’aménagement. La trace la plus visible – pour le public – de cette contrainte juridique est bien l’indication sur les panneaux d’affichage des chantiers du maître de l’ouvrage. Pour les élus, le moment important peut être celui de la pose de la première pierre ou de l’inauguration. Outre cette contrainte juridique, il faut ajouter le fait que c’est bien la collectivité qui aura défini la consistance même des équipements ainsi que leurs caractéristiques, notamment architecturales ou fonctionnelles toutes choses auxquelles le public – c’est-à-dire les citoyens, les usagers et les contribuables – ne peut qu’être sensible.
Mais la collectivité peut aussi prendre en charge, à l’aide de ses services, l’entière réalisation de l’opération d’aménagement, acquérir les terrains et immeubles, mener les études, faire procéder aux travaux, mobiliser les financements nécessaires… Elle sera alors pleinement opérateur au même titre qu’un aménageur privé. Et dans ce cas, outre la qualité d’opérateur, au sens technique du terme, elle assumera le risque financier de l’opération ou, plus précisément, elle le fera supporter aux citoyens pris en leurs qualités de contribuables. Bien souvent, à la lecture de la presse, les critères du choix d’une telle pratique relèvent de considérations plus politiques que strictement techniques ou financières : la commune mène en direct l’opération d’aménagement parce que cela rentre pleinement dans ce que l’on appelle ses attributions normales ou pour défendre les intérêts des citoyens face aux entreprises privées que l’on ne saurait laisser disposer librement de l’environnement urbain. Bien entendu, l’argument inverse est tout autant utilisé.
Et cette participation de la collectivité à l’opération et à ses résultats économiques ne se rencontre pas seulement dans ce cas. Plus indirecte est ce qui pourrait être appelée la situation d’opérateur financier, au sens ou les services de la collectivité n’assument pas cette fonction technique d’opérateur d’aménagement mais où elle en supporte, en tout ou partie, les conséquences financières. Plusieurs cas sont à envisager selon la façon dont la collectivité « fera faire » l’opération d’aménagement ; mais toujours – et ce point mérite d’être souligné – ils comporteront des conséquences pour les finances communales.
Il peut s’agir, en premier lieu, d’un mandat donné à un opérateur, prestataire de services, de prendre en charge tout ou partie des actions nécessaires à la réalisation de l’opération. Dans cette hypothèse, il est clair sur le plan du droit que la collectivité a pris le risque de l’opération et qu’elle doit le financer. Mais il s’ajoute, dans ce cas, le risque de défaillance du prestataire de services, en tout point comparable à celui de la défaillance de tout fournisseur dont on sait qu’elle occasionne toujours des surcoûts.
Il peut s’agir aussi du cas de la concession d’aménagement dont il convient de rappeler que les dispositions contractuelles peuvent prévoir une prise en charge du résultat de l’opération, soit par l’autorité concédante, soit par le concessionnaire, ou bien encore son partage entre les contractants[6]. Le risque supplémentaire de défaillance du concessionnaire n’est pas, dans une telle hypothèse, négligeable dans la mesure où il est financièrement rattaché à la collectivité (cas des SEML dont la commune est actionnaire[7] et autorité concédante ou d’un OPAC) ou bien lorsqu’il a été financé par elle (avances, participations ou, à l’inverse, fonds de concours). Et, en poussant le raisonnement, l’on conçoit mal que des difficultés d’un opérateur rejaillisse sur une collectivité pour des opérations qui ne la concerne pas.
Même dans le cas de convention d’aménagement[8], la collectivité peut être qualifiée d’opérateur : c’est notamment le cas lorsqu’elle procède aux acquisitions foncières – cas de DUP – et qu’elle les revend à l’aménageur. L’acte économique et juridique d’achat et de revente du foncier est bien celui d’un opérateur d’aménagement avec tous les risques que cela comporte (en particulier en cas de retournement du marché lorsque les acquisitions immobilières ont été réalisées à des prix élevés et que l’aménageur ne peut que les racheter moins cher, lorsqu’il dispose encore de cette possibilité). Mais à ce risque doit aussi être ajouté celui de la défaillance de l’aménageur privé qui peut, il convient de le rappeler, être une SEML[9] dont l’autorité concédante est aussi actionnaire, voire administrateur.
Quelle que soit l’opération d’aménagement, l’on ne peut que constater, lorsqu’elle rencontre des difficultés provenant du retournement du marché qui n’est plus aujourd’hui nouveau, que la collectivité territoriale en assume, au moins en partie, la responsabilité et que son rôle n’a pu être négligeable. Il faut toutefois souligner que les services et les élus ont pu, lorsque les décisions étaient à prendre, ne pas mesurer pleinement les risques encourus et leurs conséquences. Et cette remarque ne doit pas être considérée comme une critique dans la mesure où les opérateurs et les financeurs – professionnels de ces questions – qui se sont largement engagés à la fin des années 1980 sur l’immobilier et l’aménagement ont montré l’exemple.
Quel que soit le mode de délégation d’une opération d’aménagement, en tout ou partie, à une entreprise, qu’elle soit strictement privée, semi publique ou publique, le risque de sa défaillance ne doit pas être négligé. Et les exemples ont été nombreux ces dernières années[10] et ont d’autant plus attiré l’attention que les entreprises défaillantes ou les opérations en difficulté étaient directement dépendantes de collectivités territoriales, et donc susceptibles d’obérer leurs finances.
Il reste cependant que l’engagement des collectivités territoriales dans ces affaires les désigne tout naturellement pour être le principal moteur d’actions pour sortir des difficultés connues. Et ces actions relèvent d’une volonté politique qui doit souvent être accompagnée de moyens financiers importants.
La volonté politique
La manifestation la plus claire et la plus compréhensible, au moins vue de l’extérieur, d’une volonté politique de sortir une opération de ses difficultés consiste indéniablement en la définition ou la redéfinition du projet d’aménagement. Et l’exemple qui vient immédiatement à l’esprit est celui de la réduction des surfaces réservées à la construction de bureaux et l’accroissement de celles à usage de logement. Encore faut-il analyser les raisons qui peuvent conduire à de telles décisions.
Il est bien certain que la relance d’une opération suppose que les produits fournis correspondent aux besoins du marché tel qu’il existe aujourd’hui. Mais à considérer ce seul critère, il serait possible de parvenir à des abhérations que la notion même d’aménagement vise à éviter : en développant l’exemple cité et en supposant que seuls les logements sont dans le marché actuel, l’on procéderait à la construction de nouveaux « grands ensembles » dont on connaît les difficultés et les nombreux problèmes d’urbanisme. De la même façon et en fonction des circonstances actuelles, il serait possible de concevoir qu’il soit préférable, dans certains cas, de purement et simplement arrêter définitivement une opération et de transformer la totalité de ses emprises en espaces verts que la population accueillerait sans doute avec satisfaction ; mais peut-on concevoir la transformation de quelques centres-villes en jardins ce qui aurait pour effet de les priver d’activité et de vie sociale. En ce domaine, la responsabilité qui incombe à la collectivité territoriale de définir un projet mieux adapté[11] est difficile à prendre et pourra, à l’avenir, être lourde de conséquences.
Le projet doit aussi tenir compte des besoins de la population composée de citoyens, d’usagers et de contribuables qui peuvent être en contradiction avec les exigences du marché. C’est ainsi que la demande croissante de la population en matière d’équipements publics, tant en quantité qu’en qualité, ne constitue pas toujours une aide aux décisions à prendre. Certes des immeubles construits dans un quartier ou une ville bien équipée représentent des produits qui seront plus facilement écoulés sur le marché et attireront mieux les différents opérateurs comme les clients. Il n’est toutefois pas certain, tant s’en faut, qu’un calcul économique rationnel à court terme le justifie : les équipements sont onéreux et l’intégration de leur coût aux immeubles à vendre conduirait souvent à des prix hors marché. Bien sûr, la solution existe qui consiste à faire supporter une large part des coûts à la collectivité territoriale ; mais il n’est pas certain qu’elle ait réellement les moyens de financer la construction et encore moins d’en supporter les coûts d’exploitation qui se renouvelleront pendant de longues années.
Des arbitrages sont donc nécessaires entre le marché et l’intérêt général, le court et le long terme, ce qui relève pleinement de la décision politique. Dans certains cas, une adaptation aux seules contraintes du marché sera estimé préférable et dans d’autres il en ira différemment. Parfois une volonté existera et se manifestera concrètement de privilégier l’intérêt général à long terme même en contradiction avec les besoins de la population, tels qu’ils sont dans l’immédiat exprimés : il est ainsi possible de concevoir que la collectivité décide d’arrêter une opération définitivement ou de limiter son intervention à un portage foncier à long terme ou bien encore de maintenir la répartition entre activité économique et logement définie précédemment dans la perspective d’un développement à long terme de la richesse globale de la commune. La complexité des informations à prendre en considération pour arrêter en ces domaines une position réfléchie et susceptible de satisfaire le plus grand nombre le plus longtemps possible rend souvent les décisions très longues à prendre : il s’agit là d’une véritable difficulté car il faut distinguer, dans la crise de l’immobilier actuelle ce qui relève de la conjoncture de ce qui illustre une tendance longue des besoins de la population et le recul manque pour avancer la moindre certitude.
Il faut bien reconnaître que les raisons « politiques » du choix qui sera effectué peuvent être fort différentes des raisons techniques, juridiques ou financières : s’il s’agit de simplement satisfaire aux demandes de la population, les choix peuvent être assez facilement connus et expliqués. Il restera toutefois à dégager les moyens financiers exigés de semblables choix. Mais s’il s’agit d’œuvrer à l’intérêt général ou de respecter des engagements déjà pris et pour cela de « contrarier » certains vœux du public, les décisions seront plus difficiles à prendre et à expliquer. Et l’on voit surgir, ici ou là, des argumentations en matière d’aménagement qui sont présentées par de nouveaux élus qui marquent bien que l’écoulement du temps depuis les dernières élections a été l’occasion d’un approfondissement des réflexions et de nouvelles orientations.
Quelle que soit l’option retenue au plan politique, elle nécessite pour être crédible – notamment aux yeux des partenaires, a fortiori banquiers – et de plein effet des décisions valables se manifestant par des actes juridiques tels que des délibérations du conseil – municipal la plupart du temps – ou bien encore la refonte des pièces d’urbanisme ce qui suppose parfois des délais importants[12].
Les moyens financiers
L’appréciation des capacités financières d’une collectivité territoriale s’inscrit dans une contradiction entre la réalité économique et les règles juridiques. Sur le plan du droit, une collectivité est solvable par définition. Cette situation tient à l’extension aux collectivités territoriales de l’adage selon lequel l’État est bon payeur. Sur le plan pratique, une manifestation peut en être trouvée dans l’impossibilité de concevoir une collectivité territoriale en faillite (au sens des procédures collectives du droit commercial ou même civil). Comme en général une commune est impliquée dans une opération d’aménagement à un titre ou un autre, quand ce n’est pas à plusieurs (initiatrice, opératrice, bâilleuse de fonds, actionnaire…), la tendance naturelle qui se manifestera – notamment dans les différents contentieux nés des difficultés – sera de se retourner vers elle, précisément parce qu’elle est considérée comme solvable. En revanche, sur le plan économique, la situation est bien différente : et les exemples sont nombreux de collectivités qui connaissent des graves difficultés financières, à tel point d’ailleurs, que la presse n’hésite pas à titrer sur la faillite de telle ou telle commune, même si cette expression ne recouvre aucune réalité juridique. Et dans les relations des collectivités avec les banquiers, force est de constater que leurs capacités financières réelles sont de plus en plus soigneusement analysées et pesées.
Mais en présence d’une opération d’aménagement en difficulté, la commune d’implantation est aussi soumise à des contraintes financières qui peuvent être contradictoires : d’une part, la poursuite de l’opération nécessitera des fonds importants qu’elle ne pourra pas forcément mobiliser facilement et, d’autre part, tout retard ou arrêt de l’opération l’appauvrira en raison de la perte de recettes, fiscales notamment, que cela occasionnera.
Sortir une opération d’aménagement des difficultés qu’elle connaît requiert, en premier lieu, une injection de fonds, qui pour être variable n’en est pas moins toujours importante quant à ses volumes. Encore faut-il que ces fonds existent et soient disponibles, c’est-à-dire qu’ils puissent être affectés à cet usage. Et les fonds qui sont injectés dans une opération en difficulté pour la redresser et la faire aboutir peuvent trouver plusieurs affectations différentes qui ne sont nullement exclusives l’une de l’autre.
Il convient, en premier lieu, de désintéresser les créanciers de l’opération, c’est-à-dire les personnes qui ont mis des fonds dans l’opération à un titre ou un autre et veulent – et peuvent – en obtenir la récupération : il s’agira, par exemple, des fournisseurs de travaux ou de prestations, des banquiers dont le financement est échu, des acquéreurs de charges foncières pour les acomptes qui ont pu être versés sans que cela débouche sur une vente parfaite… Le but de ces actions est, en gros, d’éviter de faire supporter à des personnes, qui n’ont pas à en endosser la responsabilité, la perte constatée. Bien entendu, si le principe ainsi énoncé est simple, sa mise en oeuvre est plus complexe et plus longue. Mais cette première injection de fonds n’a, en fait, qu’un objet : apurer la situation passée à un moment donné. Il faut bien noter que ces actes, pour indispensables qu’ils soient, ne font avancer l’opération d’aménagement, du moins au regard des citoyens : la principale manifestation d’une opération qui avance est et restera encore le nombre de grues sur le chantier, l’élévation des immeubles… Sur le plan politique au surplus, il est clair que les explications à fournir sont délicates à polir : il s’agit de reconnaître – ou pour le moins de constater – les « erreurs » du passé et tout le monde n’a pas la chance d’être nouvellement élu.
Une autre modalité d’emploi des fonds à injecter – ou une autre cause de l’injection de ces fonds – consiste à financer les dépenses nécessaires au redémarrage de l’opération : études, acquisitions foncières, travaux, frais financiers… Sur ce point, il convient de veiller à disposer de ressources suffisantes tout au long du déroulement de l’opération et les estimations doivent être effectuées avec la plus grande prudence. Mais il s’agit là d’une pratique habituelle qui relève du montage d’opération. Sur ce point précis, les arguments présentés à la population pour justifier l’emploi de fonds publics « passent » généralement bien : ces fonds comportent une contrepartie réelle en termes de biens immobiliers ou d’équipements et un aspect visible : l’avancement des chantiers.
Enfin et surtout, les fonds qui seront apportés devront couvrir la perte à terminaison de l’opération. Dans certains cas, il ne sera pas besoin de prévoir un apport spécifique de fonds à cet usage : il en est par exemple ainsi lorsque l’opération était techniquement très avancée lorsque les difficultés sont apparues (peu de dépenses restaient à exposer, la plupart des ventes restaient à faire) car l’apurement de la situation passée et le financement des dépenses nouvelles – parfois limitées – auront conduit à une injection de fonds largement supérieure à la perte finale. Mais dans d’autres cas, la continuation de l’opération fera ressortir l’essentiel des pertes de sorte qu’il est essentiel que les modalités d’apports de fonds permettant de la financer soit précisément définies et surtout programmées dans le temps. Notons à cet égard que des garanties peuvent être demandées dans le but de rétablir la confiance. Dans une telle situation, le dégagement des moyens budgétaires à cet effet ne peut pas toujours être retardé au moment de l’achèvement de l’opération, ce qui passe alors plus facilement au second plan.
Dans le cas d’opérations publiques d’aménagement, les formalités pratiques d’injection de fonds par la commune sont relativement simples à mettre en oeuvre puisqu’elles consistent à prévoir des inscriptions budgétaires et leur financement. Dans le cas d’opérations privées, l’on peut se trouver en présence de situations plus complexes : c’est ainsi le cas lorsque toutes les acquisitions immobilières ont été depuis longtemps réalisées et transférées à un opérateur qui n’a pas la possibilité, pour une raison ou pour une autre, de redémarrer. Il faut alors prévoir des modalités d’action plus complexe à mettre en oeuvre.
L’intervention de la commune par injection de fonds permettant le redémarrage d’une opération soulève bien entendu la question de savoir si une telle pratique ne relève pas d’une action économique, c’est-à-dire de soutien aux agents économiques qui relève d’une compétence ne lui incombant pas[13]. Et l’on sait, par les nombreux développements récents de la jurisprudence administrative, que de telles pratiques sont toujours plus souvent remises en cause. Le seul argument véritablement efficace en ce domaine est que l’aménagement étant d’intérêt général, il relève pleinement de la compétence de la collectivité publique.
Quelle que soit l’importance de la mobilisation de fonds publics pour faire redémarrer une opération d’aménagement, il importe sur le plan des explications à fournir au public de trouver une argumentation raisonnée et équilibrée entre, d’une part, les contraintes financières et, d’autre part, la défense – ou plus souvent la promotion – du projet redéfini. C’est que, s’agissant d’opérations d’aménagement en difficulté, le citoyen est mis à contribution tant pour financer leur redressement que pour assumer les conséquences des paris d’urbanisme qui sont pris.
[1] : à cet égard, il faut noter les dispositions du code de l’urbanisme qui admettent la délégation de ces prérogatives aux seules personnes morales relevant du secteur public telles que les établissements publics ou les sociétés d’économie mixte, ce qui n’avait pas manqué d’être contesté, voici quelques années, par les aménageurs privés.
[2] : notons à ce sujet, par parralléllisme, que la servitude d’urbanisme est définie comme une limitation apportée au droit de propriété par les lois et réglements en vigueur.
[3] : qu’il s’agisse du plan d’occupation des sols, du choix de la procédure d’aménagement retenue, de la définition du programme des équipements, de l’instruction et de la délivrance des permis de construire…
[4] : il convient de préciser que cette notion d’équipement public ne fait nullement référence aux règles de la domanialité publique mais plutôt à l’intérêt que présente pour la population l’équipement.
[5] : en application de la loi du 12 juillet 1985 sur la maîtrise d’ouvrage publique qui impose l’intervention directe de la collectivité ou d’un mandataire agissant en son nom et pour son compte dans la construction des ouvrages de superstructure.
[6] : il faut rappeler, à ce sujet, que la loi de décentralisation a supprimé l’obligation d’utiliser les modèles de contrats administratifs de sorte que la définition de la concession d’aménagement donnée par le décret de 1977 – contrat laissant à la charge de l’autorité concédante le risque financier de l’opération – s’est ainsi périmée.
[7] : il faut noter que l’opérateur d’aménagement, bien que relevant du secteur public local, peut ne pas être rattaché à la collectivité territoriale initiatrice de l’opération : c’est notamment le cas des SEML départementales qui interviennent pour des communes ne participant pas à leur capital.
[8] : la pratique parle de ZAC privée ou de ZAC conventionnée par opposition à la ZAC publique qui est concédée ou sous mandant ou en régie.
[9] : même si les SEML ont la faculté d’être concessionnaire d’amnénagement, elles conservent néanmoins celle d’agir en ce domaine par la voie de convention : une ZAC privée peut être confiée à une SEML.
[10] : voir notamment à ce sujet le dernier rapport de la Cour des comptes sur les SEML d’Ile-de-France.
[11] : il faut bien supposer ici qu’une telle responsabilité que la loi attribue à la puissance publique ne saurait être déléguée au seul secteur économique.
[12] : par exemple en cas de modification du contenu d’une ZAC et donc de son dossier de création : la relance de la procédure de concertation peut être alors impérative.
[13] : cette compétence appartient à l’État selon la loi de décentralisation, étant au surplus souligné que l’aide des communes aux entreprises est strictement réglementée et limitée.