Billet 2000-07-17
Comment procéder à un transfert du patrimoine immobilier d’une société d’économie mixte locale composé de logements sociaux au profit d’un office public d’aménagement et de construction sans supporter une fiscalité trop importante ?
Et quels sont les enjeux d’une telle opération ?
1- LES ENJEUX
1.1. La maîtrise du patrimoine transféré
Le transfert du patrimoine d’une SEML à un OPAC fait perdre à la collectivité territoriale actionnaire de la SEML la maîtrise de ce patrimoine du fait de la différence de statut des SEML et des OPAC.
En termes de gestion, les collectivités territoriales contrôlent effectivement les SEML dont elles sont actionnaires en raison de l’obligation :
‑ de détenir 50 % au moins et 80 % au plus du capital social,
‑ de disposer de plus de la moitié des voix au sein du conseil d’administration.
Dans un OPAC en revanche, la collectivité territoriale ne peut disposer de plus du tiers des voix au sein du conseil d’administration qui est l’organe décisionnaire.
En termes de patrimoine ‑ y compris de logements sociaux bénéficiant de financements aidés et sous réserve de l’application de la réglementation en découlant ‑ la SEML offre également des avantages par rapport à un OPAC :
- le patrimoine immobilier d’une SEML appartient, en dernier ressort à ses actionnaires, en principe à proportion de leurs parts de capital détenues.‑ les SEML peuvent librement aliéner leur patrimoine immobilier non conventionné alors que celui des organismes d’HLM ne peut être vendu qu’aux occupants ‑ dans le respect tant pour les SEML que pour les organismes d’HLM de la réglementation des financements aidés.
Il peut toutefois être prévu, du fait de conventions de dévolution, que la collectivité territoriale garante des emprunts se voit attribuer une part plus importante des immeubles. En revanche, le patrimoine des OPAC ne peut qu’être transmis à d’autres organismes d’HLM ;
- les SEML peuvent librement aliéner leur patrimoine immobilier non conventionné alors que celui des organismes d’HLM ne peut être vendu qu’aux occupants ‑ dans le respect tant pour les SEML que pour les organismes d’HLM de la réglementation des financements aidés.
1.2. Les mouvements financiers découlant du transfert
Pour le vendeur c’est-à-dire la SEML et ses actionnaires, l’enjeu financier consiste à maximiser les fonds retirés de l’opération.
En revanche, pour l’acquéreur, l’OPAC en l’occurrence, l’enjeu consiste à ne pas supporter un coût de transfert remettant en cause l’équilibre financier de l’opération.
Cet arbitrage entre les deux parties peut être tranché :
‑ soit par accord entre eux seuls, ce qui nécessite que le transfert de patrimoine revête la forme de cession d’actions de la SEML à l’OPAC pour laquelle le service des domaines n’a pas besoin d’émettre un avis préalable,
‑ soit par un tiers : le service des domaines, ce qui peut s’inscrire dans le cadre d’une vente d’immeubles pour laquelle ce service doit être consulté préalablement à toute opération de cette nature.
Il convient de souligner que cette question d’évaluation des immeubles revêt une grande importance non seulement pour ce qui concerne la détermination du prix mais également pour ses conséquences fiscales et donc financières.
2- LES MODALITÉS
2.1. La vente de patrimoine et la dissolution de la SEML
L’opération consisterait pour la SEML à vendre son patrimoine (comprenant ses biens et droits immobiliers ainsi que l’ensemble des droits et obligations qui s’y rattachent) à l’OPAC puis à procéder à sa dissolution.
Les conséquences financières et fiscales de cette opération seraient les suivantes.
– L’acquisition immobilière par l’OPAC est, de droit, exonérée de droits d’enregistrement en application de l’article 1042 du CGI. Cette exonération peut, par tolérance administrative, être étendue dans le cas où la TVA immobilière s’applique[1].
Le montant que l’OPAC aura à décaisser correspondra à la différence entre les deux termes suivants :
‑ le prix de vente des immeubles à proprement parler, augmenté des autres éléments d’actif transférés tels que les créances sur les locataires ou autres,
‑ les dettes de financement et d’exploitation des immeubles transférés.
– Au plan fiscal, la SEML pourra éventuellement constater du fait de la vente de patrimoine un résultat taxable selon les conditions de droit commun (33,33 % plus 10 % actuellement), étant précisé, s’agissant d’une société immobilière que les soldes des subventions d’équipement à amortir et des provisions pour grosses réparations seront alors rapportées au résultat.
La distribution du résultat donnera lieu au paiement du supplément à 33,1/3 % pour la part qui n’a pas été taxée (cas de l’imputation de déficits fiscaux).
La distribution aux actionnaires de l’actif net en fin de société sera à l’origine de la perception d’un droit de partage calculé au taux de 1 %.
[1] il peut être intéressant de renoncer à cette tolérance pour les programmes immobiliers entrant dans le champ d’application de la TVA immobilière et vendus à prix inférieur à leur coût, le différentiel de TVA étant alors récupérable.
2.2. La cession d’actions et la dissolution de la SEML
La cession d’actions ne donne lieu à perception de droits d’enregistrement que dans la mesure où elle est constatée par un acte valant titre. La nécessité tant pour la collectivité territoriale actionnaire de la SEML que pour l’OPAC acquéreur de délibérer sur une telle opération et d’en communiquer le contenu pour contrôle de légalité conduira, sans doute possible, à l’existence d’un tel titre (accord sur la chose et le prix). Un droit d’enregistrement sera donc dû, calculé sur le prix au taux de 1 % et plafonné à F. 20.000 par cession.
Les cessionnaires ‑ à l’exception de la collectivité territoriale – pourront éventuellement constater un résultat ‑ positif ou négatif selon le cas – du fait de la vente de leurs actions. S’agissant d’un bénéfice, il sera taxé selon les modalités d’imposition habituelles du cessionnaire.
Si l’opération est analysée en dissolution de société, les conséquences qu’elles comportent sont celles qui ont été exposées précédemment.
Mais si une telle opération est analysée en fusion susceptible de bénéficier du régime de faveur prévu par l’article 210 A du code général des impôts, elle comporte alors peu de conséquences :
- les droits d’enregistrement sont limités à F. 1.500,
- l’imposition des plus-values est neutralisée selon les mécanismes prévus par la réglementation.
CONCLUSION
Une collectivité territoriale qui intervient dans le secteur du logement social au travers d’une SEML et d’un OPAC peut s’interroger sur les enjeux et modalités de regroupement de ces deux entités visant à la disparition de la SEML.
Une telle opération nécessite au préalable une réflexion dans la mesure où l’instrument SEML est véritablement contrôlé par une collectivité territoriale ce qui n’est pas le cas d’un OPAC.
Les modalités de regroupement pourraient être :
- la vente du patrimoine de la SEML à l’OPAC puis sa dissolution,
- l’acquisition par l’OPAC de la SEML puis leur regroupement.
En l’état actuel des textes et sauf à engager des démarches auprès des autorités de tutelle des organismes d’HLM, il est probable que le coût ‑ notamment fiscal ‑ d’un tel regroupement demeure inchangé quelles qu’en soient les modalités. C’est qu’il est peu probable que l’on puisse faire valoir efficacement qu’un établissement public puisse fusionner avec une société puisqu’il ne sera pas en mesure de rémunérer l’apport qui lui est consenti par l’émission de titres représentatifs d’un droit de propriété (en gros, des actions).
[1] il peut être intéressant de renoncer à cette tolérance pour les programmes immobiliers entrant dans le champ d’application de la TVA immobilière et vendus à prix inférieur à leur coût, le différentiel de TVA étant alors récupérable.