La note 20- septembre 1999
1- LES SUBVENTIONS D’ÉQUIPEMENT
1.1. Les notions de subvention d’investissement et d’équipement
Si la pratique utilise indifféremment les termes de subventions d’investissement et d’équipement, il est néanmoins indispensable de les distinguer clairement lorsqu’il s’agit de traiter des aspects fiscaux.
La subvention d’investissement est une notion comptable définie ainsi par le plan comptable général : « Subvention dont bénéficie l’entreprise en vue d’acquérir ou de créer des valeurs immobilisées (subvention d’équipement) ou de financer des activités à long terme (autres subventions d’investissement) « .
Pour la TVA, la notion de subvention d’équipement est ainsi définie par l’instruction du 8 septembre 1994 (BOI 3-CA-94, n° 150) : « Il s’agit de subventions non imposables qui sont, au moment de leur versement, allouées pour le financement d’un bien d’investissement déterminé.
Le caractère de subvention d’équipement est donc déterminé par la partie versante. Une subvention qui serait utilisée a posteriori par le bénéficiaire pour acquérir une immobilisation ne peut être assimilée à une subvention d’équipement.
En outre, la subvention doit être affectée directement à l’acquisition d’une immobilisation.
Ne sont pas considérés comme des subventions d’équipement les versements destinés à financer des remboursements d’emprunts contractés pour l’acquisition d’une immobilisation ou pour couvrir les charges d’amortissement de celles-ci. »
1.2. Le régime de TVA des subventions d’équipement
Dès lors que la subvention peut être qualifiée, au sens fiscal du terme, d’équipement, elle suivra le régime de TVA suivant :
– son versement ne donne pas lieu au paiement de la TVA par le bénéficiaire ;
– la TVA payée sur l’investissement ne peut être récupérée que pour autant que le prix facturé pour son utilisation comprend l’amortissement de sa fraction financée par subvention : c’est la notion de condition financière.
Une illustration pratique simplifiée de la condition financière, et du mécanisme de TVA sur les subventions d’équipement est jointe ci-après.
données de l’exemple
Soit un investissement réalisé d’une durée de vie probable de 25 ans, d’un coût de revient de 1.000 H.T., soit 1.206 T.T.C. et financé par subvention d’équipement à hauteur de 20 %, soit 200.
expression de la condition financière
Le propriétaire de l’investissement qui l’exploite doit intégrer dans la détermination des prix facturés un montant annuel de 40 correspondant à l’amortissement total du bien, soit 1.000 / 25 dans l’exemple retenu.
Pour le cas où le montant retenu par le propriétaire serait de 32 (soit le coût de revient de l’investissement sous déduction de la subvention, 800 / 25), il perdrait ses droits à déduction de la TVA sur 200 H.T. d’investissement, soit 41,2.
En d’autres termes, la TVA sur la subvention d’équipement ne constitue qu’un « prêt gratuit » d’une durée équivalente à celle de l’amortissement du bien ainsi financé.
difficultés d’appréciation de la condition financière
Un exemple simple, tiré de la gestion d’un service public, permet de mieux appréhender les difficultés d’appréciation de la condition financière lorsqu’il est fait référence à la fréquentation de l’investissement (ou de l’équipement).
Pour reprendre l’exemple précédent, il peut être supposé qu’il était prévu la possibilité de facturer annuellement 50 usagers ou clients pour une année donnée.
Dans une telle hypothèse, qui est d’ailleurs une situation qui se rencontre au moment du montage des dossiers :
– le coût de l’investissement inclus dans le tarif unitaire fixé sera de 0,8 (soit 40 d’amortissement à répartir sur 50 usagers ou clients) ;
– en fin d’une année donnée, et ce sera la situation de toute analyse financière faite par définition a posteriori, il faudra bien constater que la fréquentation n’a été que de 45 de sorte que le coût unitaire d’investissement facturé sera de 0,88 (soit 40 / 45) ou 0,72 (soit 40 / 50 x 45), selon la façon dont le calcul est présenté.
Il convient de souligner que, sur le plan de la TVA, cette incertitude de calcul est largement utilisée pour argumenter que le coût de l’investissement est bien pris en compte dans la fixation du tarif.
1.3. Les subventions d’investissement payables par annuités
Les subventions d’investissement payables par annuités ne relèvent pas de la définition ni du régime des subventions d’équipement.
Un exemple illustre les enjeux d’un arbitrage entre le paiement immédiat ou par annuités d’une subvention d’équipement pour ce qui concerne la TVA. Il en ressort que les deux possibilités sont équivalentes dès lors que les annuités payées ne sont pas soumises à la TVA.
données de l’exemple
Soit un investissement réalisé d’une durée de vie probable de 25 ans, d’un coût de revient de 1.000 H.T., soit 1.206 T.T.C. et financé par subvention d’équipement en totalité.
L’ensemble de l’opération est financé par un prêt à 15 ans au taux de 8 %, soit une annuités de 116,83 (coefficient d’annuité de 11,68 %). Le tarif pratiqué est de 125 H.T.. Les frais de gestion sont négligés pour la compréhension des mécanismes.
Subvention d’équipement (au sens fiscal)
Le bénéficiaire de la subvention d’investissement présentera un premier exercice d’exploitation dont le résultat correspond aux ventes, soit 125. En effet, la charge d’amortissement est neutralisée par la reprise de subvention à due concurrence.
La TVA payée, dans cet exemple, est de 25,75, soit 20,6 % de 125 à la charge des usagers.
La collectivité qui a versé la subvention supporte une charge de 116,83 correspondant à l’annuité de l’emprunt de 1.000 souscrit.
subvention payable par annuités
Le bénéficiaire de la subvention d’investissement présentera un premier exercice d’exploitation récapitulé ci-après.
Les produits totalisent 241,83, soit 125 correspondant aux ventes et 116,83 d’annuité de la subvention encaissée.
Les charges représentent 120 (soit 40 d’amortissement et 80 d’intérêts de l’emprunt).
De sorte que le résultat est un bénéfice de 121,83 alors même que le flux net de trésorerie aura été de 125. La différence provient de l’écart entre les amortissements de l’emprunt et des immobilisations.
La TVA payée, dans cet exemple, sera de 49,81, soit 20,6 % de 241,83 (125 de ventes et 116,83 de subvention) s’il est démontré que la subvention constitue un complément de prix. Dans le cas contraire, la charge de TVA serait équivalente que la subvention soit payée par annuités ou autrement.
À noter que la subvention pourrait, dans cet exemple, n’être pas qualifiée de complément de prix en considérant que les ventes de 125 sont à affecter par priorité au paiement des intérêts d’emprunts (80) de sorte que le solde disponible de 45 excède l’amortissement des investissements.
La collectivité qui a versé la subvention supporterait une charge de 140,89 correspondant à l’annuité de l’emprunt de 1.000 qui a financé la subvention (116,83) augmentée de la TVA de 24,06 (116,83 x 20,6 %) si celle-ci est due et de 116,83 dans le cas contraire.
Au total, la TVA versée pourrait s’établir à 49,81 à charge des usagers de l’investissement pour 25,75 et des contribuables pour 24,06 si la subvention s’analyse en complément de prix. Dans le cas contraire, il importe peu que la subvention soit payable par annuités ou non, les situations au regard de la TVA étant identiques.
2- LES SUBVENTIONS D’EXPLOITATION
Pour la suite des développements, il convient de considérer que les subventions sont dites d’exploitation lorsqu’elles ne répondent pas à la définition des subventions d’équipement, telle que rappelée ci-dessus.
2.1. Les conditions d’imposition à la TVA
Pour déterminer si une subvention, autre que d’équipement telle que définie plus haut, accordée par une collectivité territoriale est imposée à la TVA, il convient de faire application d’un raisonnement en deux étapes.
– Si la subvention versée comporte une contrepartie (prestation de services ou livraison de biens), elle est imposable à la TVA dès lors que la prestation de services ou la livraison de biens est normalement soumise à cette taxe. En d’autres termes, il s’agit là d’éviter que le prix du service ou du bien échappe à la TVA sous le prétexte qu’il est qualifié de subvention.
La taxation de la subvention résulte d’une analyse des circonstances de fait et de droit dans les relations nouées entre le bénéficiaire et la partie versante : il sera en particulier recherché si le bénéficiaire a souscrit des engagements précis pour obtenir la subvention.
– Si la première étape du raisonnement conclut à une absence de TVA, il faut alors s’interroger pour savoir si la subvention ne constitue pas un complément de prix d’une opération normalement taxable. Si tel est le cas, la subvention supporte la TVA. Les critères d’appréciation des subventions qui sont qualifiées de compléments de prix sont les suivants :
. La subvention est décidée, dans son principe, avant même que son bénéficiaire exerce son activité. Il est supposé qu’un prestataire qui commence son activité après que la subvention ait été décidée à son profit n’a pu que compter sur ce complément de recettes qui est normalement taxable.
. La subvention est évaluée de façon proportionnelle à l’activité de son bénéficiaire. Il est, ici encore, présumé qu’une telle situation ne peut exister que dans le cas où la subvention est un complément de prix.
. La subvention complète le prix des services rendus par le bénéficiaire (y compris à ses clients, indépendants de la personne versant la subvention).
Si l’examen des circonstances de l’espèce ne permet pas de conclure que la subvention est un complément de prix d’une opération imposable, elle ne donne pas lieu au paiement de la TVA.
2.2. Le prorata de déduction de la TVA
L’assujetti partiel de la TVA est la personne qui exerce plusieurs activités dont certaines entrent dans le champ d’application de cette taxe et d’autres non. Pour prendre le cas d’une collectivité territoriale, celle-ci réalise des opérations :
– hors champ d’application de la TVA telles que l’assainissement, la fourniture de l’eau (communes de moins de 3.000 habitants) ou les ordures ménagères ;
– dans le champ d’application de la TVA comme, par exemple, la distribution de gaz et d’électricité ou le transport de personnes.
Pour déterminer la TVA récupérable sur les dépenses exposées, l’assujetti partiel fait application de la règle de l’affectation : il s’agit d’affecter chacune des dépenses à l’opération, taxable ou non, à laquelle elle se rapporte. Si la dépense est faite pour réaliser une opération taxable, la TVA qu’elle comporte est récupérable.
Dans le cas de dépenses qui ne peuvent être directement affectées (les dépenses mixtes), il est admis de procéder à une récupération partielle de la TVA selon un clé de répartition. Cette clé de répartition est normalement fondée sur l’utilisation des dépenses mixtes et doit être justifiée : par exemple ventilation des frais informatiques en fonction des temps de travail. Il est toutefois possible de procéder à cette répartition sur la base des recettes si elles sont représentatives d’une juste proportion d’utilisation des dépenses.
Le redevable partiel de la TVA est la personne qui exerce plusieurs activités entrant dans le champ d’application de cette taxe dont certaines en sont exonérées et d’autres non. L’exemple peut être pris d’une activité de location de plusieurs immeubles nus qui est normalement exonérée de TVA et dont certains ont fait l’objet d’une option pour la TVA.
Dans une telle hypothèse, la TVA sur les dépenses exposées pour mener cette activité est partiellement récupérable en fonction du pourcentage général de déduction : c’est le prorata de déduction.
Le prorata de TVA est toujours assis sur le chiffre d’affaires. En d’autres termes, la part de TVA récupérable est déterminée à proportion des recettes taxables par comparaison aux recettes totales.
3 – LES SUBVENTIONS ET LE CALCUL DU PRORATA
3.1. Les subventions d’équipement
Les subventions d’équipement n’étant pas constitutives de chiffre d’affaires, elles n’entrent pas dans le calcul du prorata de la TVA.
3.2. Les subventions d’exploitation
Les subventions d’exploitation non imposables à la TVA et relatives à une activité qui n’entre pas dans le champ d’application de la TVA ne sont pas prises en compte pour le calcul du prorata de déduction (opérations hors champ d’application de la TVA).
Les subventions d’exploitation globales relatives à des activités dans et hors champ d’application de la TVA doivent être réparties à ces activités en fonction de leur besoin de financement respectif. Le besoin de financement correspond à la différence entre les dépenses et les recettes (hors subvention) de chacune des activités.
Les subventions d’exploitation qui financent une activité placée dans le champ d’application de la TVA (le cas échéant pour leur fraction telle que définie selon le besoin de financement) sont inscrites :
– au numérateur et au dénominateur si elles sont imposées à la TVA ;
– au seul dénominateur si elles ne sont pas imposées à la TVA.
Par dérogation à ce principe, il est admis que les subventions non imposables qui revêtent un caractère exceptionnel (aide non répétitive dont le montant est accessoire au regard des recettes normales du bénéficiaire et destinée à financer une opération particulière) ne sont pas inscrites au dénominateur du prorata.
Un exemple fournit une illustration des conséquences sur le prorata de TVA et les comptes du bénéficiaire de la subvention de la soumission à cette taxe d’une subvention d’exploitation.
données de l’exemple
Soit un bénéficiaire dont les recettes sont soumises à la TVA pour 200 et sont exonérées de cette taxe pour 300. Les charges sont de 950 dont 150 de TVA.
Il s’agit de déterminer les conséquences financières d’une soumission à la TVA d’une subvention qui s’établit à un montant arrêté à 500.
La subvention n’est pas imposée à la TVA
Le prorata de récupération de la TVA est 20 % (soit 200 de recettes en TVA sur un total de 1.000) de sorte que les charges s’établissent à 920 (soit 950 de charges totales sous déduction de 20 % de la TVA de 150 qu’elles comprennent).
Les produits étant de 1.000 (soit 500 de subvention et 500 de recettes propres de l’association), le résultat est un bénéfice de 80.
La subvention est imposable à la TVA
Les produits du bénéficiaire s’établissent à 914,59, soit 500 de recettes propres et 414,59 de subvention H.T. (soit 500 : 1,206).
Le prorata de récupération de la TVA est de 67,20 % (soit l’addition de 200 de recettes propres et de 414,59 de subvention rapportée au total des produits de 914,59).
Les charges seront ainsi de 849,2 (soit le total de 950 sous déduction des 100,80 de TVA récupérable) de sorte que le résultat sera un bénéfice de 65,29.
Analyse
La différence de résultat de 14,61 (soit 80,00 – 65,39) selon que la subvention est ou non soumise à la TVA trouve son explication dans les éléments suivants :
– le surcroît de TVA collectée est de 85,41 (soit 414,59 x 20,6 %) et correspond à une perte de produits pour le bénéficiaire,
– le supplément de TVA déduite par le bénéficiaire de la subvention qui réduit ses charges est de 70,80 (soit 100,80 – 30),
et cela, à égalité de coût pour la collectivité qui verse un montant de 500, soumis ou non à la TVA.