La note 65 – septembre 2009
Acheter ou louer un terrain : pourquoi faire ?
Tout le raisonnement fiscal tient dans la question qui vient d’être énoncée. Si l’appropriation du terrain est destinée à la construction d’un immeuble neuf, elle relève normalement de la TVA immobilière. Si tel n’est pas le cas, les droits d’enregistrement sont dus.
Mais, une fois le principe posé, l’on se doute qu’il comporte à la fois des modalités d’application et des limites.
Le mieux est de traiter le cas le plus habituel qui consiste en la vente d’un terrain, avant d’aborder les variantes des baux constitutifs de droits réels immobiliers.
1- La vente du terrain
1.1. La notion fiscale de terrain à bâtir
La notion fiscale de « terrain à bâtir » recouvre plus que la simple emprise foncière et s’attache à la finalité de l’opération qui sera de construire un immeuble neuf. Elle comprend ainsi :
- L’assiette foncière : le terrain nu ;
- Les terrains avec bâtiments destinés à la démolition ;
- Les immeubles inachevés ;
- Le droit de surélévation.
Toute la fiscalité des terrains à bâtir est organisée en fonction de leur cycle économique, ce qui conduit à distinguer la production des terrains à bâtir, la production des immeubles neufs et la consommation des terrains à bâtir.
1.2 La production des terrains à bâtir
L’on définira, par commodité, l’activité de production de terrains à bâtir comme étant celle de l’aménagement du terrain. Sont ainsi visés les cas des lotissements comme des zones d’aménagement. Il s’agit d’acquérir un terrain puis de l’aménager avant de l’affecter à la construction, à proprement parler.
Dans ce cas, l’acquisition initiale du terrain relève normalement du régime des marchands de biens (articles 1115 et 1840 G ter du CGI). La mutation de propriété est soumise au droit d’enregistrement au taux réduit de 0,715 % (droit de 0,60 % plus taxe de 0,10 % plus prélèvement pour frais d’assiette et de recouvrement). La seule condition mise à l’application de ce régime est celui de la revente du terrain aménagé dans un délai de quatre ans. Ce régime est généralement appliqué par les lotisseurs.
S’agissant des aménageurs (qu’ils soient publics ou concessionnaires), il peut être fait application de l’exonération des droits d’enregistrement (exonération étendue à la TVA) prévue par les articles 1042 et 1594 O G du CGI pour ce qui concerne l’acquisition initiale. Dans ce cas, aucun délai ne s’impose pour la revente du terrain aménagé.
La revente du terrain aménagé sera soumise, selon le cas, à l’un des deux régimes fiscaux suivants :
1- Elle est soumise à la TVA immobilière parce que l’acquéreur va affecter ce terrain à bâtir à la production d’un immeuble neuf :
- Le taux de la TVA est de 19,60 % ou 5,50 % si le terrain est destiné à supporter du logement social ;
- Le vendeur – s’il s’institue redevable de la TVA – pourra alors normalement récupérer la TVA sur les dépenses consenties ;
2- Elle n’est pas soumise à la TVA, soit parce que l’acquéreur est un particulier, soit parce qu’il bénéficie d’une exonération particulière (par exemple au titre des articles 1040 ou 1042 du CGI) :
- Les droits d’enregistrement sont dus au taux normal, soit au total de 5,09 % ;
- la TVA est due par le vendeur sur sa marge – sauf cas d’exonérations particulières telles que celle concernant les HLM – et il peut alors récupérer la TVA sur les travaux faits.
1.3. La production d’immeubles neufs
Le terrain, aménagé ou non, peut être destiné à la construction d’un immeuble neuf. Si le terrain n’est pas aménagé, il est en quelque sorte considéré que l’aménagement entre directement dans la construction de l’immeuble.
L’acquisition du terrain – aménagé ou non – entre dans le champ d’application de la TVA immobilière.
- Le prix supporte la TVA au taux de 19,60 % ou 5,50 %, selon le cas ;
- La TVA est due par l’acquéreur, sauf option du vendeur pour s’y substituer (ce qui permet la récupération de la TVA sur les dépenses exposées) ;
- Un engagement de construire est pris – et doit être respecté – dans un délai de 4 ans.
1.4. La consommation du terrain à bâtir
Si l’on se place du point de vue d’un particulier qui veut acquérir sa maison, la situation fiscale de la mutation de propriété du terrain sera la suivante :
- Si le particulier acquiert une maison neuve (ou un appartement), construite par un promoteur immobilier, il paiera de la TVA sur la totalité du prix et donc aussi sur le terrain ;
- S’il achète un bien ancien (l’ancienneté consiste en l’écoulement de 5 ans à compter de l’achèvement de l’immeuble), il paiera des droits d’enregistrement ;
- Il reste le cas de l’acquisition du terrain à bâtir par le particulier, suivie de la construction d’un immeuble neuf à usage d’habitation ; l’acquisition du terrain relève alors des droits d’enregistrement. A noter que si le vendeur est une collectivité locale, elle peut cependant décider d’appliquer la TVA à la vente du terrain.
Et le terrain (et, plus généralement, l’immeuble) est alors intégré au patrimoine du particulier, ce qui signifie que le prix payé ne vient pas en diminution de ses revenus pour le calcul de l’impôt sur le revenu qu’il doit acquitter (sous réserve des incitations fiscales diverses, telles la déduction des intérêts d’emprunts). Lorsque le particulier revendra la maison, il dégagera – du moins, il faut lui souhaiter – une plus-value qui sera imposée ou non (cas, notamment, de la résidence principale).
Si l’on se place du point de vue d’une entreprise qui acquiert un immeuble, la situation fiscale de la mutation de la propriété sera la suivante :
- S’il s’agit un immeuble neuf, la TVA sera payée sur le prix et donc sur le terrain, ce qui vaut en cas d’acquisition de l’immeuble construit comme de l’acquisition du terrain sur lequel l’entreprise construit l’immeuble ; et si l’entreprise affecte cet immeuble à une activité dont les produits supportent la TVA, elle pourra récupérer la TVA payée sur l’acquisition immobilière ;
- Dans le cas contraire, les droits d’enregistrement seront dus.
Le terrain est incorporé au patrimoine de l’entreprise et suit le traitement comptable normal des achats :
- Si l’acquisition est suivie d’une vente, le prix correspondant à l’acquisition sera constaté dans les charges pour la détermination du résultat imposable ; la constitution d’un stock est, dans cette éventualité, une simple façon de faire coïncider la charge et le produit sur le même exercice comptable ;
- Si l’acquisition est destinée à une immobilisation, elle restera inscrite à l’actif sans possible influence sur la détermination du résultat imposable ; c’est que le terrain n’est pas amortissable.
2- Les baux
2.1. Bail emphytéotique et bail à construction
Si l’on définit ces baux comme étant ceux qui comportent une longue durée (18 à 99 ans) et confèrent au preneur un droit réel immobilier, la principale distinction tient au point suivant :
- Dans le bail emphytéotique (régi par les articles L 451-1 à L 451-14 du code rural), le preneur dispose de la faculté d’apporter des améliorations à l’immeuble dont il dispose ;
- Dans le bail à construction (régi par les articles L 251-1 à L 251-9 du code de la construction et de l’habitation), la principale obligation du preneur est d’édifier des immeubles.
Dans un cas comme dans l’autre, cette technique du bail permet l’appropriation d’un terrain, voire d’un immeuble, par le preneur.
La principale différence d’une appropriation par bail plutôt que par vente tient au caractère temporaire – quoique de longue durée – de celle-ci. La contrepartie en est financière puisque le « prix » est alors moindre (notion de loyer symbolique) ou qu’il est payable de façon échelonnée dans le temps ou encore à terme (par remise des immeubles construits ou améliorés).
2.2. L’appropriation du terrain
Comme tous les baux à long terme – et cette longueur existe si le bail est de plus de 12 ans – leur conclusion donne lieu au paiement de la taxe de publicité foncière au taux global de 0,715 % (article 742 du code général des impôts). L’assiette de cette taxe est constituée du loyer du bail pour toute sa durée. Mais ce principe ne vaut effectivement que pour les baux emphytéotiques « privés » :
- Les baux emphytéotiques administratifs donnent lieu à la perception du droit fixe de 125 € (articles 680 et 1048 ter du code général des impôts) ;
- Les baux à construction sont exonérés de la taxe de publicité foncière (article 743, 1° du code général des impôts).
Mais ces baux, qu’ils soient à construction ou emphytéotiques, peuvent donner lieu au paiement de la TVA immobilière (avec l’engagement de construire), sur option.
Cette option est exercée dans l’acte constitutif du bail par le redevable de la TVA qui peut être :
- Le bailleur, s’il a acquis le terrain dans le régime de la TVA immobilière ou s’il se substitue au preneur ;
- Le preneur dans le cas contraire.
L’assiette de la TVA est constituée par le loyer du bail, étant précisé :
- qu’il s’agit du loyer payé sous quelque forme que ce soit (par remise d’immeubles ou par numéraire) pendant la durée du contrat ; en l’absence de loyer, l’assiette sera constituée de la valeur vénale du droit du preneur ;
- à l’exclusion de la valeur des biens construits et devant revenir au bailleur en fin de bail.
Si l’on procède à la comparaison de la forme de l’appropriation du terrain par vente ou par bail, l’on constate que :
1- S’agissant des droits d’enregistrement, le coût du bail est moindre que celui de la vente ;
2- S’agissant de la TVA, et dans la mesure où il s’agit de concourir à la production d’un immeuble neuf :
sa récupération en neutralise le coût s’il s’agit d’une entreprise qui exerce une activité soumise à la TVA ;
dans le cas contraire, l’on peut considérer qu’elle est d’un moindre coût dans le cas d’un bail en ce que le loyer est inférieur au prix.
2.3. Le loyer du terrain
2.3.1. Le point de vue du bailleur
Du point de vue du bailleur, le loyer perçu tout au long du bail constitue pour lui un revenu qui est soumis à une imposition dans la catégorie des revenus fonciers, des bénéfices industriels et commerciaux ou même à l’impôt sur les sociétés.
Et il faut préciser que ce loyer doit s’entendre des sommes payées par le preneur comme de la remise des immeubles dont le coût a été supporté par le preneur. Et les constructions ou aménagements remis gratuitement au bailleur sont à inclure dans les revenus pour leur valeur vénale.
Des modalités particulières existent pour le bail à construction qui accorde une situation plus favorable au bailleur :
1- Si la remise des immeubles intervient à la fin d’un bail :
- Si le bail est de plus de 30 ans, elle ne constitue pas un revenu imposable ;
- Si le bail est de moins de 30 ans, la remise des immeubles est évaluée en fonction du coût de revient des immeubles et il est procédé à un abattement de 8% sur ce coût de revient par année écoulée au-delà de la 18ième année ;
2- Si la remise des immeubles intervient en cours de bail, le revenu estimé à hauteur du coût de revient des immeubles remis est réparti sur 15 ans, à compter de l’année de leur remise (article 33 ter du code général des impôts).
2.3.2. Le point de vue du preneur
Pour le preneur à un bail emphytéotique ou à construction, le loyer versé au bailleur constitue, s’il s’agit d’une entreprise, une charge pouvant être portée en déduction de son résultat imposable. Toutefois, les formes de déduction sont variables, selon les modalités de paiement du loyer :
- Si le loyer est payé d’avance en début de bail, il s’agira d’une immobilisation incorporelle qui est amortie sur la durée du bail ;
- Si le loyer est payé chaque année, les paiements seront directement constatés dans les charges des exercices constatant les paiements ;
- Si le loyer est payé par remise gratuite d’immeubles construits ou d’améliorations, les dépenses sont inscrites dans les immobilisations corporelles et sont amorties sur la durée probable d’usage du bien avec la possibilité de l’ajuster, si besoin, à la durée du bail.
Si le preneur est un particulier – au sens où il n’exerce pas une activité qui sera traitée comme celle de toute entreprise – le loyer constituera pour lui une dépense de consommation et de constitution d’un patrimoine.
2.4. La cession des droits réels
Le bailleur, comme le preneur à un bail emphytéotique ou à construction peuvent céder leur droit réel immobilier à un tiers. Dans ce cas, il s’agit, au plan fiscal, d’une mutation immobilière qui est soumise aux impositions habituelles, avec cependant quelques nuances.
1- La cession du droit du bailleur donne toujours lieu au paiement des droits d’enregistrement au taux normal (5,09 %).
2- La cession des droits du preneur est imposée en tenant compte de la nature du bien immobilier :
- Elle peut ainsi relever de la TVA immobilière (par exemple, si l’immeuble est achevé depuis moins de 5 ans) ;
- Elle peut également être soumise aux droits d’enregistrement au taux normal (5,09 %).
Dans le cas où le preneur à un tel bail convient d’acquérir, après sa conclusion, le droit du bailleur, l’administration procède à la distinction suivante, en fonction des caractéristiques des clauses contractuelles :
- L’opération est considérée comme une vente à terme qui donne lieu à la perception des droits dus lors de la conclusion du bail ;
- L’opération est analysée en vente assortie d’une condition suspensive et la levée de la condition rend les droits dus exigibles ;
- L’opération est constitutive d’une promesse de vente et la réalisation de la vente donnera lieu à paiement des droits.
Les cessions des droits du bailleur ou du preneur donnent lieu à constatation d’un résultat (plus-value) qui est alors imposé dans les conditions de droit commun : plus-values des particuliers, plus-values professionnelles, bénéfices industriels et commerciaux, impôt sur les sociétés.
Dans le cas particulier du bail à construction et si le bailleur est un particulier, la plus-value tirée de la cession de son droit réel immobilier au preneur est, de fait, exonérée d’impôt (article 151 quater du code général des impôts) : elle est en effet calculée selon la valeur du bien à la date de conclusion du bail et la durée de détention s’apprécie à compter de l’acquisition du bien par le bailleur et jusqu’au terme du bail. Comme les baux sont de 18 ans au moins et que l’abattement est total au-delà de 15 ans de possession, la plus-value échappe à l’impôt.
2.5. La résiliation du bail
Le principe général est que la résiliation des baux à long terme donne lieu au paiement du droit fixe de 125 € (article 738 du code général des impôts). Mais ce principe comporte des limites :
- Si la résiliation du bail est suivie de la conclusion d’un nouveau, le risque existe que cette succession d’opération soit qualifiée de cession de bail donnant lieu au paiement du droit prévu par les articles 719 et 725 du code général des impôts (soit, au total : 3% de 23.000 € à 200.000 € ; 5% au-delà) ;
- Dans le cas d’un bail à construction, il a été considéré qu’il s’agissait d’une mutation immobilière dont l’assiette était l’indemnité de résiliation à soumettre aux droits d’enregistrement au taux de droit commun (Cass. Com. 24 juin 1997 n° 1695 P, Sté Agnel-Teissonnière).