La note 44 – juin 2004
PRÉSENTATION DE L’ÉCONOMIE DU CONTRAT
Définition
La définition fiscale
Les organismes chargés de l’aménagement de zones d’urbanisme ont, en général, pour mission :
– d’acquérir des terrains à bâtir ;
– de réaliser, avec le concours d’entrepreneurs :
– des équipements particuliers à certains terrains qui deviendront la propriété privée des acquéreurs de ces terrains ;
– des équipements généraux qui seront ensuite remis gratuitement à la collectivité locale pou être classés dans son domaine et qui comprennent :
– des équipements d’infrastructure (voirie, ouvrages d’art, réseaux divers, par exemple) ;
– des équipements de superstructure (écoles, équipements sportifs, par exemple) ;
L’aménageur peut être conduit à verser une redevance à la collectivité locale pour participation au coût de ces équipements publics, lorsque ces derniers sont réalisés par la collectivité locale ;
– de revendre des terrains aménagés et, le cas échéant, construits.
Inst. 11 février 1969, BOE 1969-10515, BOCI 1969-1-56 ; Inst. 8 novembre 1988, 8A-7-88 : d. adm. 8 A-172 n° 1, 15 novembre 2001.
Une définition littéraire
« Et de là était né son vif désir de connaître le baron Hartmann, lorsqu’il avait appris que le Crédit Immobilier, par un traité avec l’administration, prenait l’engagement de percer et d’établir la rue du Dix-Décembre, à la condition qu’on lui abandonnerait la propriété des terrains en bordure.
– Vraiment, répétait-il en tâchant de montrer un air naïf, vous leur livrerez la rue toute faite, avec les égouts, les trottoirs, les becs de gaz ? Et les terrains en bordure suffiront pour vous indemniser ? Oh ! C’est curieux, très curieux ! »
Octave Mouret, « Au bonheur des dames », Émile Zola
Synthèse
Le prix de vente des terrains à bâtire couvre le coût de production :
- des terrains à bâtir,
- des équipements.
Si le prix de vente des charges foncières ne couvre pas les dépenses, alors une « participation » est nécessaire.
Le principe est que la participation couvre les dépenses d’équipement qui n’ont pu être absorbées par le prix de vente.
D’autres « marges de manœuvre » existent pour équilibrer le bilan d’une opération d’aménagement :
– la réduction de la qualité ou de la quantité des équipements ;
– la réalisation de tout ou partie des équipements dans un autre cadre contractuel (régie ou mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée).
Une distinction nette est à opérer entre, d’une part, l’équilibre de l’opération d’aménagement prise dans son ensemble et l’équilibre du contrat d’aménagement.
Distinction entre convention privée et convention publique d’aménagement
Rappel des textes
Article L 300-4 du code de l’urbanisme : « L’Etat, les collectivités locales ou leurs établissements publics peuvent confier l’étude et la réalisation des opérations d’aménagement prévues par le présent livre à toute personne publique ou privée y ayant vocation.
Lorsque la convention est passée avec un établissement public, une société d’économie mixte locale définie par la loi nº 83-597 du 7 juillet 1983, ou une société d’économie mixte dont plus de la moitié du capital est détenue par une ou plusieurs des personnes publiques suivantes : Etat, régions, départements, communes ou leurs groupements, elle peut prendre la forme d’une convention publique d’aménagement. Dans ce cas, l’organisme cocontractant peut se voir confier les acquisitions par voie d’expropriation ou de préemption, la réalisation de toute opération et action d’aménagement et équipement concourant à l’opération globale faisant l’objet de la convention publique d’aménagement.
Les organismes mentionnés à l’alinéa précédent peuvent se voir confier le suivi d’études préalables nécessaires à la définition des caractéristiques de l’opération dans le cadre d’un contrat de mandat les chargeant de passer des contrats d’études au nom et pour le compte de la collectivité ou du groupement de collectivités.
Les dispositions du chapitre IV du titre II de la loi nº 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ne sont pas applicables aux conventions publiques d’aménagement établies en application du présent article.
La convention publique d’aménagement peut prévoir les conditions dans lesquelles l’organisme cocontractant est associé aux études concernant l’opération et notamment à la révision ou à la modification du plan local d’urbanisme. »
Les caractéristiques de la convention publique d’aménagement
Le titulaire de la convention d’aménagement
Les conventions publiques d’aménagement ne peuvent être confiées qu’à des entreprises rattachées au secteur public :
– établissement public ;
– ou SEML de la loi de 1983 ou SEM dont plus de la moitié du capital est détenue par le secteur public.
La délégation de la maîtrise foncière
Probablement parce que les entreprises admises à agir sous convention publique d’aménagement relèvent du secteur publique, elles sont habilitées à exercer des prérogative de puissance publique (sous contrôle administratif) :
– délégation du « DPU » : droit de préemption urbain ;
– délégation des « DUP » : déclaration d’utilité publique et donc poursuite des expropriations.
La prise en charge du « résultat »
La circulaire interministérielle n° 77-121 du 11 août 1977 relative à la concession des opérations d’aménagement et d’équipement des Z.A.C. ; cahier des charges type des concessions, définissait la concession d’aménagement comme le contrat dont le risque financier était supporté par la collectivité initiatrice de l’opération.
L’on sait que la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 (droits et libertés des communes…) a supprimé, par son article 22, le caractère obligatoire des cahiers des charges types qui sont devenus des simple références.
Néanmoins la responsabilité financière des collectivités publiques sur une opération d’aménagement ne peut être véritablement engagée directement que dans le cadre d’une convention publique d’aménagement (la modification de la dénomination de concession d’aménagement n’a pas modifié ce point).
De la concession d’aménagement à la convention publique d’aménagement
Avec la loi « SRU » qui a remplacé la concession d’aménagement par la convention publique d’aménagement, les principales nouveautés portent sur :
– une plus nette distinction entre le mandat d’aménagement et la convention publique d’aménagement ;
– des précisions sur la possibilité de confier à l’opérateur d’aménagement sous convention publique des actions d’aménagement ;
– un rappel des obligations en matière de production et d’approbation des comptes rendus financiers annuels et des modalités de modification de la participation de la collectivité initiatrice de l’opération à son équilibre financier.
La note jointe (de la concession à la convention publique d’aménagement) détaille les innovations apportées par la loi « SRU » en ce domaine.
MODE DE PASSATION DU CONTRAT
Le principe de la liberté contractuelle
Le principe de la liberté contractuelle entre les collectivités publiques compétentes et les opérateurs d’aménagement a été posé par l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme dans des termes, à première lecture, clairs : « L’État, les collectivités locales ou leurs établissements publics peuvent confier l’étude et la réalisation des opérations d’aménagement prévues par le présent livre à toute personne publique ou privée y ayant vocation« . Et le dernier alinéa de cet article prend même soin de préciser que ces contrats n’entrent pas dans le champ d’application des procédures à suivre pour les délégations de services publics, telles qu’elles ont été instituées par la loi « Sapin » : « Les dispositions du chapitre IV du titre II de la loi n. 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ne sont pas applicables aux concessions ou conventions établies en application du présent article« .
Le tribunal administratif de Grenoble a eu l’occasion de rappeler qu’une convention de Z.A.C. ne saurait s’analyser en marché : dès lors, sa conclusion n’a pas à être soumise au code des marchés publics.
Si les contrats d’aménagement ne relèvent ni du code des marchés publics ni des procédures de la loi « Sapin », l’on peut en déduire que leur conclusion relève de la pleine et entière liberté contractuelle des parties.
La contestation européenne
L’interprétation française des contrats d’aménagement et, tout spécialement de la convention publique d’aménagement se heurte aux positions européennes en ce domaine que l’on peut succinctement résumer ainsi :
– d’une part, l’habilitation de certaines entreprises à intervenir sous convention publique d’aménagement ne dispenserait pas, pour la passation de tels contrats, de mettre en œuvre des mesures de publicité, voire de mise en concurrence ;
– d’autre part (mais cette question n’est pas encore formulée aussi nettement et il est probable qu’il faudra encore attendre pour qu’elle le soit ainsi), l’habilitation de certaines entreprises à ce qui pourrait relever d’une activité commerciale normale (la réalisation d’opération d’aménagement dans le cadre d’un contrat à conclure avec la puissance publique) n’est pas forcément fondée.
La transmission du contrat
La règle, en matière de contrats administratifs, est qu’ils sont conclus « intuitu personae » (en fonction de la personne) et qu’ils ne sont pas susceptibles d’être transmis.
De ce principe, l’on déduit :
– que ces contrats ne sont pas à intégrer dans le « fonds de commerce » de son titulaire et qu’ils ne sont pas valorisables par cession ;
– que le mode normal de leur transmission comporte, d’une part leur résiliation et, d’autre part, la conclusion d’un nouveau contrat ;
– qu’en cas de regroupement d’entreprises par voie de fusion, scissions, apport partiel d’actif, l’accord de la personne publique contractante est indispensable à la transmission de ces contrats.
LES ASPECTS FINANCIERS DU CONTRAT
Le compte-rendu financier
Principe
Lorsqu’une SEML est liée à une collectivité territoriale par une convention publique d’aménagement visée à l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme et dans le cas où la collectivité a décidé de participer au coût de l’opération, l’article L. 300-5 du code de l’urbanisme prévoit que la convention conclue doit préciser sou peine de nullité :
– Les modalités de cette participation financière….
– Les modalités du contrôle technique, financier et comptable exercé par la collectivité… : à cet effet la société doit fournir chaque année un compte rendu financier comportant notamment en annexe :
– le bilan prévisionnel actualisé des activités objet de la convention faisant apparaître d’une part, l’état des réalisations en recettes et en dépenses et d’autre part, l’estimation des recettes et dépenses restant à réaliser,
– le plan de trésorerie actualisé faisant apparaître l’échéancier des recettes et des dépenses de l’opération,
– un tableau des acquisitions et des cessions immobilières réalisées pendant la durée de l’exercice.
L’ensemble des documents est soumis à l’examen de l’assemblée délibérante de la collectivité qui se prononce par un vote sur ces documents.
Prérogatives de puissance publique
En matière d’exercice de prérogatives de puissance publique, la loi du 29 janvier 1993 a complété l’article 1524-3 du CGCT relatif aux SEML qui ont désormais l’obligation, lorsqu’elles exercent des prérogatives de puissance publique, d’en dresser un rapport annuel retraçant cette activité. Ce rapport est présenté à l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale et transmis au Préfet.
L’usage de prérogatives de puissance publique par une SEML se rencontre notamment en matière d’aménagement, ces sociétés pouvant, dans le cadre de concessions d’urbanisme, se voir déléguer l’exercice du droit de préemption ou la poursuite des expropriations. Bien que les textes ne précisent rien quant au contenu du rapport à produire, il est vraisemblable, au moins en matière d’aménagement, qu’il devrait comporter des informations de nature financière et constituer un complément au compte rendu annuel à la collectivité territoriale.
Les apports de la loi « SRU » et de la loi de 2002 sur les SEML
Avec les lois « SRU » qui modifie le code de l’urbanisme (article L. 300-5) et de modernisation des SEML (n° 2002-1 du 2 janvier 2002), le compte rendu annuel à la collectivité locale (CRACL) concerne toutes les opérations publiques d’aménagement, qu’elles soient menées par les SEML ou par les autres opérateurs publics d’aménagement.
Le « CRACL » peut être contrôlé par les agents de la collectivité destinatrice. Il est soumis au vote de l’assemblée délibérante de la collectivité qui se réunit après sa production ou l’achèvement de son contrôle. Il doit contenir : un bilan prévisionnel actualisé des engagements et réalisations, un plan de trésorerie actualisé et le tableau des acquisitions et cessions immobilières.
Le CRACL est indispensable à l’arrêté des comptes annuels de la SEML qui réalise l’opération sous « convention publique d’aménagement » en ce qu’il permet :
– d’estimer l’avancement de l’opération d’aménagement,
– et d’enregistrer la participation « acquise » par la SEML sur la collectivité.
Mais il faut souligner que toute modification de la participation initiale doit s’inscrire dans un avenant à la « convention publique d’aménagement » et qu’un tel avenant ne pourra être conclu qu’après l’arrêté (et l’approbation) des comptes annuels de la SEML.
La « participation »
C’est l’article L 300-5 du code de l’urbanisme qui régit désormais le compte rendu financier à la collectivité pour une convention publique d’aménagement.
« Dans le cas où une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités qui a décidé de mener une opération publique d’aménagement au sens du présent livre en confie la réalisation à un aménageur dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 300-4 et décide de participer au coût de l’opération, la convention précise à peine de nullité :
1º Les modalités de cette participation financière, qui peut prendre la forme d’apports en nature ;
2º Le montant total de cette participation et, s’il y a lieu, sa répartition en tranches annuelles ;
3º Les modalités du contrôle technique, financier et comptable exercé par la collectivité ou le groupement contractant ; à cet effet, la société doit fournir chaque année un compte rendu financier comportant notamment en annexe :
a) Le bilan prévisionnel actualisé des activités, objet de la convention, faisant apparaître, d’une part, l’état des réalisations en recettes et en dépenses et, d’autre part, l’estimation des recettes et dépenses restant à réaliser ;
b) Le plan de trésorerie actualisé faisant apparaître l’échéancier des recettes et des dépenses de l’opération ;
c) Un tableau des acquisitions et cessions immobilières réalisées pendant la durée de l’exercice.
L’ensemble de ces documents est soumis à l’examen de l’assemblée délibérante de la collectivité ou du groupement contractant qui a le droit de contrôler les renseignements fournis, ses agents accrédités pouvant se faire présenter toutes pièces de comptabilité nécessaires à leur vérification. Dès la communication de ces documents et, le cas échéant, après les résultats du contrôle diligenté par la collectivité ou le groupement contractant, leur examen est mis à l’ordre du jour de la plus prochaine réunion de l’assemblée délibérante, qui se prononce par un vote.
La participation visée aux trois premiers alinéas est approuvée par l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou du groupement contractant. Toute révision de cette participation doit faire l’objet d’un avenant à la convention approuvé par l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou du groupement contractant au vu d’un rapport spécial établi par l’aménageur.
L’opération d’aménagement pourra bénéficier, avec l’accord préalable de la collectivité contractante, de subventions versées par d’autres collectivités territoriales en vue de financer les actions d’aménagement public. Si ces subventions sont versées directement à l’organisme aménageur, celui-ci devra rendre compte de leur attribution, de leur échéancier et de leur encaissement effectif dans le rapport annuel prévu au quatrième alinéa (3º). Il devra également rendre compte de leur utilisation à la collectivité ayant accordé la subvention. »
Les principales innovations introduites par le texte de la loi « SRU » en matière de participation de la collectivité à l’équilibre de l’opération d’aménagement sous convention publique sont les suivantes :
– le terme de participation est plus large que le seul versement de fonds destiné à équilibrer le bilan de l’opération sous convention ; il inclut notamment les « apports en nature » ; il est manifeste que le législateur a privilégié une approche économique sur celle seulement financière ;
– la participation n’est possible que si elle est prévu par un contrat ou un avenant au contrat ; autrement dit, l’évolution d’un bilan prévisionnel d’opération, au fil de son déroulement, nécessite des avenants au contrat initial. Autrement dit, il n’y a plus d’automaticité pour la révision de la participation.
La procédure
Le schéma général de production des « CRACL », tel qu’issu des lois « SRU » et de modernisation des SEML est désormais le suivant :
– les « CRACL » sont établis par la SEML en même temps que celle-ci arrête ses comptes annuels, puisque ces derniers le sont en fonction des indications des « CRACL » pour les opérations sous convention publique d’aménagement ;
– la SEML transmet ces « CRACL » à la collectivité qui dispose de la faculté de les faire contrôler par ses agents ou ses mandataires ;
– la collectivité délibère sur les « CRACL » (la plupart du temps, après que les comptes annuels de la SEML aient été approuvés par l’assemblée générale de ses actionnaires au rang desquels la collectivité peut figurer) ;
– la collectivité délibère sur un éventuel avenant à la convention publique d’aménagement pour modifier sa participation, modification rendue nécessaire par le « CRACL ».
L’on perçoit, à la lecture du déroulement de cette procédure, deux incertitudes qui ne sont pas négligeables :
– la SEML établit ses comptes annuels sur la base de « CRACL » qui ne sont pas encore passés en assemblée délibérante de la collectivité cliente ;
– en cas de variation de la participation, il faut attendre l’avenant à la convention publique d’aménagement (ce qui n’est nullement une obligation) pour avoir l’assurance que la SEML ne supporte pas le risque de cette modification.