Billet 2005-02-15
Les organismes de logement social (SEML et HLM) ont vu, au fil du temps, leurs statuts se rapprocher. Mais les autres entreprises de l’économie sociale n’ont pas toujours été intégrées à ce mouvement.
L’article 110 de la loi de programmation pour la cohésion sociale qui vient de paraître (n° 2005-32 du 18 janvier 2005) aligne le régime d’impôt sur les sociétés des « UES » sur celui des bailleurs sociaux.
Associations, « UES » et logement très social
La loi « Besson » (n° 90-449 du 31 mai 1990) avait institué le « droit au logement » et, constatant la forte implication du secteur associatif dans la production de logement aux « personnes les plus démunies », avait favorisé cette activité pour les associations agréées par le préfet à cet effet.
Les institutions intervenant dans le financement du logement social ont, à l’époque, fortement incité les associations de ce secteur à constituer des « UES » (unions d’économie sociale) pour assurer la maîtrise d’ouvrage et le portage immobilier des opérations de logement social : plusieurs de ces sociétés ont ainsi été constituées. Le fond de l’idée était qu’il était préférable d’avoir une société plutôt qu’une association.
Le statut fiscal de ces « UES » était resté inchangé : en tant que sociétés commerciales, elles étaient normalement soumises à l’impôt sur les sociétés, alors que la même activité, exercée en association, pouvait relever du secteur non lucratif et donc échapper à l’impôt.
La réforme de la fiscalité des bailleurs sociaux de 2004
La loi de finances pour 2004[1] a unifié le statut des HLM et des SEML, pour leur activité de logement social et. La situation est la suivante.
Le service d’intérêt général du logement social est défini, à l’article L. 411-2 du CCH, comme consistant en la production et la gestion de logements destinés à des personnes dont les ressources n’excédent pas les plafonds réglementaires. Il peut s’agir d’opérations d’accession à la propriété comme d’opérations locatives et, dans ce cas, les loyers comportent des plafonds. Les locaux annexes et accessoires sont inclus dans le service d’intérêt général selon le principe : « l’accessoire suit le principal ».
Ce service est fourni par plusieurs catégories d’opérateurs : les principaux sont les HLM (3,7 millions de logements), comparés aux SEM (500.000 logements) et aux associations (15.000 logements). Avec la banalisation des financements de 1977 et les réformes successives, l’activité de bailleur social s’est progressivement inscrite dans un cadre réglementaire unifié et l’exonération d’impôt sur les sociétés en est un aspect.
Il faut se souvenir que l’exonération d’IS ne valait que pour les organismes d’HLM fonctionnant conformément aux dispositions du CCH. Autrement dit, l’exonération jouait pour l’activité de logement social. Des redressements avaient été envisagés lorsque ces organismes exerçaient une autre activité et la jurisprudence avait décidé que la remise en cause de l’exonération d’impôt ne valait pas pour l’ensemble du résultat mais seulement pour sa part tirée des activités, autres que de logement social (« SA d’HLM de Sélestat » et, plus récemment, « 3F »[2]).
Les résultats qui échapperont à l’IS seront ceux issus de la gestion du service d’intérêt général du logement social ainsi que ses accessoires que sont ceux provenant :
- des locaux annexes des ensembles d’habitation ;
- du placement de la trésorerie (la trésorerie des bailleurs sociaux représente, en moyenne, 5 à 8 mois de loyers) ;
- de la vente d’immeubles, soit à d’autres bailleurs sociaux, soit aux locataires.
La loi de finances pour 2004 avait prévu une application au 1er janvier 2005 et cette date a été reportée d’un an par la loi de finances pour 2005 qui, au surplus, prévoit d’exonérer d’impôt les plus-values latentes et les provisions existantes au jour du changement de régime fiscal. Sur le plan technique, l’on se souvient, qu’en cas de changement de statut fiscal d’une personne morale, les plus-values et les provisions ne sont pas imposées si les valeurs comptables ne sont pas modifiées et si l’imposition demeure possible dans le futur (2ième condition de l’article 221 bis du CGI). Cette deuxième condition ne s’appliquera pas aux les bailleurs sociaux le 1er janvier 2006.
Cette délimitation des résultats entre ceux taxables et ceux qui ne le sont pas est habituelle : les SEM doivent, depuis la loi « SRU », tenir une comptabilité séparée pour leur activité locative sociale (article L. 481-1-1 du CCH) et de nombreuses associations connaissent cette « sectorisation » fiscale.
La réforme de la fiscalité des « UES » de logement social
La loi « cohésion sociale » aligne le statut fiscal des « UES » de logement social avec celui des autres bailleurs sociaux, avec cependant quelques particularités.
Pour bénéficier de cette exonération d’IS, les « UES » doivent être agréées par le préfet. L’on se souviendra que les associations oeuvrant pour le logement des plus démunis avaient fait l’objet d’un tel agrément, dans le cadre de la loi « Besson » précitée. L’on voit ici se manifester le rattachement de ces sociétés au secteur associatif.
Sur, probablement, le même fondement, l’exonération ne jouera que si les dirigeants, de droit ou de fait, ne sont pas rémunérés. Cette limitation est connue du secteur associatif et il faudra probablement suivre avec attention, les évolutions réglementaires sur ce point. Elles ont déjà eu lieu pour les associations en ce domaine et il est possible que les « UES » connaissent les mêmes : comptons sur la fuite utile du temps…
Enfin, l’exonération d’impôt sur les sociétés jouera, pour les « UES » dès le 1er janvier 2005, alors que les autres bailleurs sociaux n’en bénéficieront qu’un an plus tard : au 1er janvier 2006
En synthèse
Les « UES » qui œuvrent dans le logement social et très social rejoignent le camp des bailleurs sociaux : elles vont bénéficier, avec un an d’avance, d’une exonération d’impôt sur les sociétés.
Mais il leur faudra prendre leurs précautions pour respecter les conditions mises : absence de rémunération des dirigeants de droit ou de fait et, si ce n’est déjà fait, obtention d’un agrément préfectoral.
Les « UES » confortent ainsi leur originalité de « sociétés commerciales sans but lucratif ».
[1] – Dont les dispositions ont été complétées par la loi pour le soutien à la consommation et à l’investissement du 29 juillet 2004 et par la loi de finances pour 2005.
[2] – CAA Nancy 17 juin 1993, n° 91-575, 2° ch. ; RJF 12/92, n° 1531 et CE 4 juillet 2001 n° 217290, 9° et 10° s.-s. ; RJF 10/01, n° 1204.