Billet 2003-12-08
Le sujet
La présente note a pour objet de présenter les conséquences de la réalisation d’une fusion de deux bailleurs sociaux, sur les garanties d’emprunt accordées par les collectivités locales aux bailleurs de fonds.
La question est de savoir si, dans une telle situation, la collectivité ayant donné sa garantie à un emprunt souscrit par l’opérateur absorbé par un autre, doit ou non délibérer sur le transfert de la garantie à la société absorbante ?
Conséquences des fusions
Sur le plan juridique, une opération de fusion ou de scission entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société qui disparaît au profit de celle qui le recueille en tout ou partie (art L. 236-3 al. 1 du code de commerce). La société absorbante se substitue à la société absorbée et reprend sans modification (notamment quant à leurs garanties) les dettes et les créances de l’absorbée.
Il s’ensuit que les cautions garantissant les dettes de la société absorbée sont tenues des mêmes obligations dans la société absorbante.
Selon ce principe, une collectivité locale ayant apporté sa garantie à un emprunt contracté par une société faisant l’objet d’une absorption conserve, de façon automatique et sans qu’il soit besoin de rien faire, cette obligation au profit de la société absorbante.
Limite de ce principe de base
Hormis le cas où la transmission universelle peut être écartée par les dispositions d’un contrat conclu rendant les biens intransmissibles, il convient également de rappeler le principe selon lequel les contrats administratifs sont incessibles sans l’accord préalable de l’autorité administrative compétente.
Ainsi dans le cas d’une opération de fusion, de scission ou d’apport partiel d’actifs, l’autorisation de l’autorité administrative compétente est requise, faute de quoi la transmission du contrat serait inopposable à l’administration qui pourrait elle-même le résilier. Il en va notamment ainsi pour ce qui concerne les marchés publics ou les délégations de service public.
Nature du contrat de garantie d’emprunt
La garantie d’emprunt apportée par les collectivités locales constitue un contrat de droit privé qui relève des articles 2011 et suivants du code civil.
Cependant, seul l’organe délibérant de la collectivité a le pouvoir d’engager la collectivité.
En cas de contentieux, en application du principe selon lequel l’accessoire suit le principal, le juge compétent pour trancher un litige portant sur une garantie d’emprunt est celui dont relève le contrat de prêt..
Si le contrat relève du droit privé, la garantie qui s’y rapporte relèvera elle aussi du droit privé.
Il convient par ailleurs de noter que l’existence d’un contrat n’est pas obligatoire, hormis si la garantie concerne une entreprise en difficulté.
En l’absence de contrat, la seule preuve de l’engagement de la collectivité est la délibération portant sur cette garantie.
En d’autres termes, la garantie d’emprunts consentie par une collectivité territoriale relève du juge administratif pour ce qui concerne les procédures de son octroi (délibération de l’assemblée compétente et délégation de signature) et de l’ordre judiciaire pour son application.
Conclusion
Sur le plan strictement juridique et compte tenu des éléments exposés ci-dessus, la garantie d’emprunt accordée par une collectivité locale à une société faisant l’objet d’une fusion absorption est transférée de façon automatique à la société absorbante en application des règles qui régissent les fusions. Le droit commun (le droit commercial) trouve pleinement application.
Il paraît cependant souhaitable de soumettre une telle opération à l’assemblée délibérante de la collectivité pour deux raisons :
- la formalisation de l’engagement de la collectivité envers le prêteur de la société absorbante,
- dans un souci de transparence et d’information.
Il faut toutefois souligner que cette précaution trouve son fondement le plus vrai dans une sorte de déviance de la pratique administrative consistant, pour la collectivité ou pour le banquier, à prendre de multiples précautions.