Billet 1999-07-09
À propos de la garantie d’un emprunt souscrit par un établissement privé d’enseignement sous convention avec un Département pour financer la construction d’un collège.
- Sur les garanties d’emprunts à l’enseignement
1.1. Les garanties d’emprunts des collectivités territoriales constituent des interventions économiques strictement réglementées aux articles L. 3231-1 et suivants du code général des collectivités territoriales pour ce qui concerne les départements.
– article L 1511-3, premier alinéa (applicable par renvoi de l’article L. 3231-1) du CGCT : » Les aides indirectes peuvent être attribuées par les collectivités territoriales ou leurs groupements, seuls ou conjointement. »
– article L. 3231-4, alinéa premier du CGCT : » Un département ne peut accorder à une personne de droit privé une garantie d’emprunt ou son cautionnement que dans les conditions fixées au présent article. « . Les alinéas suivants posent les principes des ratios de limitation des garanties d’emprunts.
Il ressort de ces textes qu’ils ne fixent aucune limitation tenant à la nature des activités pouvant bénéficier de garanties d’emprunts.
1.2. Pour autant, il convient de s’interroger sur le point de savoir si une telle intervention entre dans les compétences d’un Département. La réponse proposée est tirée du jurisclasseur des collectivités territoriales, fascicule 340, n° 83 qui rappelle que les départements ne peuvent intervenir en faveur d’intérêts particuliers tels que les écoles privées et cite un arrêt du Conseil d’État (du 19 décembre 1986, Département de l’Aveyron, requête n° 124638) en ce sens. Mais il est vrai que ce commentaire porte sur les dépenses d’un département plutôt que sur une garantie d’emprunt. L’on tire cependant de cet arrêt que rien n’interdirait au département d’intervenir pour un collège puisqu’il est compétent en ce domaine mais que la commune d’implantation de ce collège ne pourrait pas le faire.
1.3. Il faut se reporter au fascicule 127-40, n° 32 et suivants, du jurisclasseur administratif qui traite du budget communal pour trouver une argumentation plus précise sur les garanties d’emprunts et l’enseignement.
– Un premier arrêt du Conseil d’État (3e et 10e sous-sect., 4 février 1991, commune de Marignane c/association de reconstruction de l’école Sainte-Marie, req. n° 81232) exclut la possibilité pour une commune de consentir une aide directe à l’enseignement privée sous forme de garantie d’emprunt. Les termes choisis prêtent à confusion car les garanties d’emprunts relèvent non pas des aides directes mais des aides indirectes ; peut-être s’agit-il du recours à un « habillage » sous forme de garantie d’emprunts pour verser des fonds, ce qui aurait alors été requalifié d’aide directe.
– Un second arrêt, plus largement commenté (6 avril 1990, Ville de Paris, école alsacienne) semble rendre possible les garanties d’emprunts des collectivités territoriales (et donc par les départements) aux établissements privés d’enseignement secondaire. En particulier, il est noté dans le commentaire de cet arrêt qui semble transposable aux départements que rien dans les textes (article 69 de la loi du 15 mars 1850, loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959) n’interdit à une commune de garantir un emprunt destiné à financer la construction d’une école privée selon les modalités de l’article 6 de la loi du 2 mars 1982.
1.4. En définitive et pour répondre à la question posée, il semble possible de recourir à l’arrêt du Conseil d’État « école alsacienne » pour fonder la garantie qui serait consentie par un Département pour aider à la construction d’un collège.
- Sur la quotité pouvant être garantie
2.1. Le code général des collectivités territoriales fixe les limites des garanties d’emprunts pouvant être accordées : ce sont les fameux » ratios « .
– article L. 3231-4, alinéa 5 du CGCT : » Les dispositions de l’alinéa précédent (1) ne sont pas applicables aux garanties d’emprunts ou cautionnements accordés par un département aux organismes d’intérêt général visés aux articles 200 et 238 bis du code général des impôts. « .
(1) : L’alinéa précédent vise la quotité d’emprunt pouvant être garantie par les collectivités territoriales (ratio de partage du risque selon les termes de la circulaire NOR/INT/B88/360/C du 14 octobre 1988).
– article 200.1 du CGI (2) : » Ouvrent droit à la réduction d’impôt visée au 1 les sommes prises dans la limite de 1,75 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements effectués au profit d’œuvres ou organismes d’intérêt général, ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises, ainsi que celles qui correspondent à des versements à des établissements d’enseignement supérieur ou d’enseignement artistique publics ou privés à but non lucratif agréés par le ministre chargé du budget ainsi que par le ministre chargé de l’enseignement supérieur ou par le ministre chargé de la culture et à des dons aux organismes visés au 4 de l’article 238 bis. « .
(2) : À noter que l’article 238 bis du code général des impôts reprend le même dispositif, mais pour l’impôt dû par les entreprises, l’article 200 visant les particuliers.
2.2. Pour savoir si un collège d’enseignement privé peut bénéficier du déplafonnement de la quotité d’emprunt garantissable par les collectivités territoriales, il faut noter :
– qu’il ne saurait être considéré comme un établissement d’enseignement supérieur puisque cet enseignement ne peut être fourni qu’après le baccalauréat ;
– qu’il a le caractère d’œuvre d’intérêt général à caractère éducatif lorsqu’il est constitué sous forme d’association de la loi de 1901, qu’il n’exerce pas une activité lucrative, que sa gestion est désintéressée et qu’il ne fonctionne pas au profit d’un nombre restreint de personnes (réponse Sourdille, Sén. 1er septembre 1992, p.2240, n° 20295 citée dans la documentation de base F. Lefebvre, feuillets verts, IRPP IV, n° 32703).
2.3. En conclusion et sur le fondement de cette réponse ministérielle, il est possible d’appliquer au cas analysé une garantie du département portant sur la totalité de l’emprunt si telle est la volonté de la collectivité.