Billet 2005-01-31
Introduction
L’objet d’une gestion de trésorerie mutualisée est de réaliser « une centralisation » de la trésorerie de plusieurs organismes dans le but de gérer et de répartir les excédents générés par certains d’entre eux au profit de ceux qui en ont besoin par le truchement d’une structure dite « pivot » dans laquelle le compte centralisateur est ouvert.
Compte tenu des caractéristiques juridiques de ces opérations et de leur objet économique, le système de suivi comptable doit viser, d’une part, à identifier précisément la trésorerie revenant à chacun et, d’autre part, connaître la masse globale susceptible de placements.
Les conditions et modalités de la mutualisation
La principale aide à la mutualisation de la trésorerie de différents organismes provient des banques et il faut envisager deux cas.
Si les différents organismes n’ont pas leurs comptes ouverts auprès de la même banque, il leur faudra recourir à des virements sur le compte ouvert au nom de l’organisme centralisateur. Dans ce cas, il est fort probable que le rôle du centralisateur se bornera au placement des excédents et il est douteux qu’un organisme en découvert puisse être efficacement aidé par les autres.
Si la banque est la même pour tous les organismes, différentes opérations parallèles à la centralisation de trésorerie peuvent être initiées au sein d’un groupement afin d’en optimiser la trésorerie : il peut s’agir de la fusion des échelles d’agios pour réduire la facture d’agios d’un ou plusieurs membres du groupement en considérant que la trésorerie du groupement est globalement positive.
Lorsque les différentes entités du groupement conviennent de virer sur un compte centralisateur unique les soldes créditeurs de leurs comptes, la banque procède, selon une périodicité prédéfinie, à ces virements. Elle s’engage aussi à alimenter chaque compte débiteur par virement en provenance du compte centralisateur ; cela permet, dans le cadre d’une intervention journalière de la banque, de donner au trésorier du groupement une situation exacte du niveau de la trésorerie du groupement.
La traduction comptable de la centralisation
La technique de centralisation de la trésorerie consiste en une remontée des soldes ou des opérations depuis les comptes dits secondaires des organismes appartenant au groupement vers un compte centralisateur ouvert au nom d’une structure d’accueil (mode direct) ou bien par l’intermédiaire de comptes reflets (mode déplacé).
Le mode direct : selon ce schéma, les mouvements de trésorerie transitent directement des comptes secondaires vers le compte centralisateur ouvert au nom de la structure d’accueil et inversement. Il en résulte un rééquilibrage permanent des comptes de trésorerie et les soldes des différents comptes bancaires sont nivelés selon des critères préétablis :
- par opération ce qui permet d’avoir sur le compte principal un aperçu complet de l’ensemble des mouvements sur les comptes des participants,
- par solde en date de valeur ce qui limite le nombre de mouvements sur le compte principal.
Le nivellement des comptes peut avoir pour conséquence :
- de ramener à zéro l’ensemble des soldes des comptes secondaires,
- de maintenir sur les comptes créditeurs un montant minimum prédéfini et de n’opérer de nivellement que pour les sommes excédant ce minimum et, par ailleurs, de toujours compenser les soldes débiteurs.
Exemple : Prenons le cas de quatre associations A, B, C et D dont la trésorerie fait l’objet d’une centralisation sur une structure d’accueil E. Supposons, pour simplifier que le nivellement a pour objet de mettre à zéro les soldes des comptes secondaires. Les soldes des comptes bancaires à une date N sont : A = 100 créditeur ; B = 200 débiteur ; C = 50 créditeur et D = 150 créditeur. Les écritures comptables seront les suivantes.
comptes de l’organisme centralisateur |
comptes des organismes |
|||||
512 Banque | 45… A | 45… B | 45… C | 45… D | 512 Banque | 45… E |
100 |
-100 | 200 | -50 |
-150 |
||
A |
-100 |
100 | ||||
B |
200 |
-200 |
||||
C |
-50 |
50 |
||||
D | -150 |
150 |
En pratique, on aura recours à des comptes de tiers pour traduire les mouvements de trésorerie et les comptes 45, habituellement réservés aux opérations avec les entreprises liées nous semblent adaptés. Ces comptes refléteront ainsi, au jour le jour, la position de la trésorerie détenue chez l’organisme centralisateur ou due par celui-ci aux autres.
Le mode déplacé : la centralisation de la trésorerie s’effectue par l’intermédiaire de comptes reflets qui représentent les images inversées des comptes secondaires ; en fait les comptes secondaires fonctionnent comme si la centralisation de la trésorerie n’existait pas.
Si nous reprenons l’exemple précédent, nous obtenons le schéma d’écritures suivant :
comptes de l’organisme centralisateur |
comptes des organismes |
|||||
512 Banque | 512… A | 512… B | 512… C | 512… D | 512 Banque | 512… E |
100 |
-100 |
200 |
-50 |
-150 |
||
A |
-100 |
100 |
||||
B |
200 |
-200 |
||||
C |
-50 |
50 |
||||
D |
-150 |
150 |
Le compte secondaire et le compte reflet sont considérés comme deux chapitres d’un même compte, fusionnés pour les besoins de l’arrêté comptable. Cette méthode nous paraît moins adaptée pour traduire correctement la réalité des flux de trésorerie ; elle a pour conséquence de « gommer » la centralisation de la trésorerie.
La répartition des charges et produits financiers
L’intérêt de la centralisation de trésorerie est d’en optimiser la gestion et de réduire les coûts. Les excédents constatés sur le compte centralisateur, après avoir le cas échéant compensé les soldes débiteurs de certaines entités, peuvent faire l’objet de placements à l’origine de produits financiers.
Dans le cas où la gestion des fonds génère des profits, selon quel mode ces derniers seront-ils repartis entre les différents membres du groupement ?
On peut envisager de répartir les intérêts suivant une clé de répartition définie préalablement :
- de façon égale entre les comptes secondaires en procédant à une fusion des échelles d’intérêts,
- ou en tenant compte de la participation de chaque compte dans le total des intérêts débiteurs ou créditeurs.
Le calcul des intérêts débiteurs et créditeurs passe par une décomposition par période en fonction de la variation des taux dans le temps ; elle a par ailleurs pour conséquence le calcul d’intérêts dont l’objectif est de présenter « fictivement » les gains et les pertes de chaque entité en tenant compte du niveau de trésorerie qu’elle aurait eu, en l’absence de centralisation.
Si l’on reprend l’exemple précédent, en supposant des taux d’intérêt débiteur de 5 % et créditeur de 2 %, l’on pourrait procéder à une répartition des produits selon l’une des façons suivantes :
- si l’on procède par mutualisation réelle, l’on considérera que les produits financiers de la période (2, dans notre exemple, soit le solde centralisé de la trésorerie des différents organismes de 100 placé à 2 %) reviennent à A, C et D qui disposent d’excédents et l’on effectuera le calcul suivant :
organisme |
placement | proportion |
produits répartis |
||
A |
100 |
33% |
0,67 | ||
C |
50 |
17% |
0,33 |
||
D |
150 |
50% |
1,00 |
||
Totaux | 300 |
2,00 |
- si l’on cherche à se rapprocher de la réalité économique, l’on effectuera les calculs suivants pour la répartition des produits :
organisme |
placement | taux | produits réels | charges internes | produits internes |
répartition économique |
||
A |
100 |
2% | 0,67 | 3,33 | 4,00 | |||
B |
-200 |
5% | -10,00 |
-10,00 |
||||
C |
50 |
2% | 0,33 |
1,67 |
2,00 |
|||
D |
150 |
2% | 1,00 | 5,00 |
6,00 |
|||
Totaux | 100 | 2,00 | -10,00 | 10,00 |
2,00 |
Il va de soi que les calculs opérés nécessitent, d’une part, d’être précisés par les conventions passées et, d’autres part, la mise en place d’outils suffisants pour suivre en détail la trésorerie apportée par chacun.
A retenir
Si la mutualisation de trésorerie entre organismes sans but lucratif soulève plusieurs problèmes juridiques, le suivi de telles opérations dans la comptabilité est relativement aisé et il est à recommander de le faire dans une optique de transparence.
Pour autant, la seule technique comptable requiert que les accords économiques existent et soient suffisamment détaillés pour ce qui concerne le sort à réserver aux produits et charges issus de leur placement