Contactez-nous
01 41 43 00 40

Nouvelles règles comptables des concessions d’aménagement

La note 18- mai 1999

Le conseil national de la comptabilité a rendu, le 18 mars 1999, un avis n° 99-05 « relatif au traitement comptable des concessions d’aménagement dans les sociétés d’économie mixte locales ». Le moins que l’on puisse dire est que cette instance s’intéresse de fort près à ces sociétés : il s’agit là en effet d’un troisième avis en 15 ans qui vient modifier ou rendre caducs les précédents, rendus le 12 juillet 1984 sur le plan comptable des SEML et le 8 décembre 1993 sur le guide comptable élaboré par la FNSEM. Et cette « productivité » est méritoire car les règles des concessions de service public sont toujours provisoires depuis 1975 et que les études et réflexions sur leur refonte sont toujours en cours.

Certes, les concessions d’aménagement sont substantiellement différentes, dans leur nature et leur économie, des concessions de service public et l’on ne reviendra pas sur ce point. Mais l’avis du CNC, en soulignant la distinction entre concessions d’aménagement selon qu’elles sont aux risques du concédant ou du concessionnaire requiert que l’on se remémore ces notions.

Les praticiens se souviendront que les documents types des concessions de Z.A.C. établis en 1977 avaient défini la concession, par opposition à la convention, comme étant le contrat faisant porter le risque financier de l’opération d’aménagement à la collectivité publique. Mais avec la loi de décentralisation du 2 mars 1982, les contrats types ont cessé d’être obligatoires et des traités de concession d’aménagement ont pu être conclus au risque financier du concessionnaire ou du concédant ou bien encore à risque partagé. Souvenons-nous aussi – pour l’anecdote – qu’à la fin des années 80, en pleine euphorie immobilière, des voix d’aménageurs privés s’étaient élevées contre ce privilège des concessions d’aménagement qui permettait de laisser des collectivités publiques encaisser des profits d’aménagement. Mais, las ! il s’agit d’histoire ancienne et l’on reproche aujourd’hui aux opérateurs publics de ne pas annoncer la longueur des ardoises en temps et en heure…

Les CRACL n’ont pas rempli leur rôle d’information

Bien sûr, une information financière spéciale avait été créée à cet effet par la loi sur les SEML de 1983 : le compte-rendu financier annuel des opérations d’aménagement que la pratique a baptisé CRACL. En bonne logique, ce document doit faire ressortir une évaluation aussi précise que possible du résultat final de l’opération d’aménagement et mentionner, le cas échéant, son mode de financement. S’il s’agit d’un déficit qui est à la charge, en tout ou partie, de la collectivité territoriale, il apparaît sous la rubrique « participation ». Mais force est de reconnaître que toutes les SEML ne produisaient pas ce CRACL régulièrement et que lorsque ce document était produit, il n’était pas toujours soumis, comme la loi le prévoit, à l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale. Et à supposer enfin que la délibération était prise sur le CRACL, elle ne comportait pas pour autant force budgétaire.

Le CRACL était d’autant plus important que les comptes annuels des SEML concessionnaires d’aménagement ne permettaient nullement de se faire une idée des résultats prévisionnels des opérations dont elles avaient la charge et donc des engagements des collectivités territoriales à leur égard. Si le reproche a pu leur en être fait, il ne se fondait cependant pas sur des strictes considérations de technique comptable et cela pour deux raisons principales.

  • Les SEML sont des sociétés commerciales et, comme telles, soumises à l’obligation de présenter des comptes élaborés selon de règles précises, fixées par le droit commercial. Ces comptes annuels, pour reprendre l’expression consacrée, ont pour objet principal de fournir une évaluation de la « fortune » de la société à un moment donné (c’est le bilan qui est établi en fin d’exercice social) et de sa variation pour une période donnée (c’est le compte de résultat de l’exercice). La terminologie comptable est plus complexe puisqu’elle prévoit que les comptes annuels doivent « donner une image fidèle de la situation financière, des résultats et du patrimoine » ; le fond est le même. Or si une SEML réalise une opération d’aménagement au risque du concédant, il est manifeste que sa fortune ne saurait en être affectée et donc ses comptes annuels n’ont pas à mentionner des engagements qui ne concernent qu’un contractant, fut-il une personne publique, même actionnaire principal.
  • Il faut garder à l’esprit que les opérations d’aménagement se déroulent sur plusieurs années et sont susceptibles de voir leur consistance modifiée à plusieurs reprises, ce qui rend l’évaluation de leur résultat final bien difficile. Aussi, la règle comptable de principe applicable aux « opérations à long terme » est-elle de n’en constater le résultat qu’à l’achèvement. Il est possible de déroger à ce principe dès lors que l’entreprise dispose d’un système d’évaluation et de suivi de ses opérations à long terme suffisamment précis et efficace. Mais toutes les entreprises n’y ont pas intérêt, surtout lorsqu’il s’agit de constater des bénéfices et de les soumettre à l’impôt avant le terme admis. Quant à annoncer des pertes, le principe comptable de prudence requiert de les constater dès qu’elles sont connues mais si l’entreprise les supporte.

Face aux pratiques qui présentaient les meilleures raisons pour ne pas annoncer les coûts réels des opérations d’aménagement – leurs résultats déficitaires – la réaction du CNC et de la FNSEM, (elle est à l’origine de l’avis), a été vive. Les comptes annuels des SEML auront à enregistrer les résultats des opérations d’aménagement concédées, même si elles le sont au risque exclusif du concédant. L’argumentation développée est simple et de bon sens.

Associer les CRACL aux comptes annuels

L’obligation imposée par la loi de 1983 aux SEML de produire un CRACL est la clé de voûte des nouveaux principes comptables. Le CRACL doit comporter un échéancier, en trésorerie, des charges et des produits de l’opération d’aménagement jusqu’à son terme. Cet échéancier constitue indéniablement un instrument de gestion de la SEML lui permettant de suivre l’avancement de l’opération. Et l’on voit mal comment un tel instrument pourrait être estimé insuffisant, au regard de la réglementation comptable, pour justifier l’emploi de la méthode d’enregistrement des opérations à long terme dite « à l’avancement » puisqu’il est précisément défini par la loi. Une SEML qui estimerait que les CRACL qu’elle produit ne sont pas suffisants pour appliquer la méthode de l’avancement reconnaîtrait ainsi qu’elle ne satisfait pas à ses obligations légales ou qu’elle fournit à ses contractants, collectivités territoriales, des informations financières de mauvaise qualité.

À la fin de chaque exercice, le CRACL va fournir une information essentielle : l’avancement de l’opération. Un pourcentage est calculé en rapportant aux produits acquis à la fin de cet exercice la totalité des produits attendus sur la durée de l’opération. Bien entendu, si l’opération est au risque du concédant, l’on exclura des deux termes du rapport sa participation.

Le compte de résultat de la SEML enregistrera, à son crédit, tous les produits acquis, pour l’exercice considéré, de l’opération d’aménagement concédée. Le pourcentage d’avancement permet d’inscrire dans les charges le coût de revient correspondant à ces produits. L’on appliquera, à cet effet, le pourcentage d’avancement au total des charges de l’opération d’aménagement, tel qu’il ressort du CRACL. À ce stade des enregistrements comptables, le compte de résultat de l’exercice présentera, selon le cas, un déficit ou un bénéfice de l’opération d’aménagement. Pour autant, la SEML ne va pas forcément inclure ces résultats dans l’évaluation de sa « fortune ».

  • Si l’opération d’aménagement est concédée à la SEML tout en restant au risque du concédant, ce résultat sera neutralisé par l’inscription, au bilan, d’un « produit d’avance » ou d’un « produit à recevoir » de la collectivité territoriale. Bien entendu, ces postes de bilan seront à corriger des sommes déjà perçues par la SEML au titre des « participations ». En d’autres termes et pour ne retenir que le compte de « produit à recevoir », son solde correspondra à l’engagement de la collectivité territoriale concédante vis-à-vis de la SEML.

Les comptes annuels de la SEML fourniront ainsi désormais une information intéressante : une estimation de ce qu’elle doit recevoir ou reverser aux concédants d’aménagement en fonction de l’avancement de l’opération. Et l’on peut supposer – mais peut-être est-ce aller trop loin – que l’annexe aux comptes annuels fournira le détail, par collectivité, de ce poste de bilan. L’on verra toujours si la SEML est créancière ou débitrice vis-à-vis de ses donneurs d’ordre et pour combien, ce qui sera quand même une information précieuse sur sa situation financière et les engagements qu’elle comporte.

  • Si la concession d’aménagement est au risque de la SEML, le résultat sera également neutralisé, mais cette fois-ci au moyen de la constitution d’une provision : c’est que si l’information de l’avancement est donnée, il n’en demeure pas moins que le résultat de l’opération ne sera constaté définitivement dans les comptes qu’à son achèvement s’il s’agit d’un profit. En revanche, s’il s’agit d’une perte, elle est à enregistrer, dès que suffisamment prévisible, par le biais de la constitution d’une provision.

L’on voit ainsi que désormais, ou plus exactement dans un proche avenir puisque l’avis doit trouver application pour les exercices ouverts à partir du 1er janvier 2000 – les comptes des SEML, en constatant à l’avancement les résultats des opérations d’aménagement concédées, fourniront une information dont le manque leur est aujourd’hui reproché. Les SEML devront aussi, pour ce faire, se plier aux exigences de la loi de 1983 et produire régulièrement les CRACL qui serviront ainsi de support pour l’établissement des comptes annuels et il ne pourra plus leur être fait ce reproche là. Mais, le dispositif est-il parfait ?

Les limites de l’avis du CNC

Sur le seul plan de la technique comptable l’on peut regretter que le pourcentage d’avancement soit calculé sur les produits plutôt que sur les charges de l’opération d’aménagement. C’est que l’on sait que pour ces opérations à long terme, il est fréquent que les dépenses précèdent, et parfois de loin, les recettes. Or, tant qu’aucune recette, au moins d’un montant significatif, n’est acquise sur l’opération d’aménagement, il n’est guère envisageable de constater un « produit à recevoir » sur le concédant qui supporte le risque de l’opération confiée à la SEML. Le danger existe donc que ce mode de calcul purement comptable ait des effets néfastes sur la gestion de l’opération : c’est que plus vite les ventes de terrains à bâtir seront conclues de façon définitive et plus vite, il faudra annoncer officiellement – c’est-à-dire par inscription dans les comptes – les pertes à supporter par le concédant.

L’avis du CNC ne se prononce pas non plus sur les modalités d’établissement des CRACL qui deviennent des documents essentiels. Bien sûr, ce n’est pas son rôle. Pourtant les praticiens de l’aménagement savent, par expérience, la difficulté d’établir ces documents avec toute la prudence qu’ils mériteraient pourtant. Il s’agit d’estimations qui concernent l’avenir et leur confection relève plus de l’art que de la science exacte. D’autant plus que ce document est destiné à être délibéré en conseil municipal. La réforme des règles comptables n’a ainsi rien apporté de nouveau – mais le pouvait-elle ? – pour contrer le risque de présenter, au moins dans les premières années du déroulement de l’opération d’aménagement, des bilans « optimistes ».

Enfin, cet avis s’inscrit, dans son contenu et dans son objectif, dans la perspective d’une efficacité toujours plus grande des SEML. En cela, il va sans doute contribuer à opérer plus nettement la distinction entre les deux grandes catégories de ces sociétés qui s’occupent d’aménagement. Il est probable que les SEML départementales ou régionales d’aménagement ne rencontreront pas trop de difficultés pour présenter aux communes concédantes des CRACL et des comptes annuels qui soient établis dans le meilleur respect de l’esprit de la réglementation désormais applicable. Il leur faudra cependant, mais sans doute comme par le passé, se montrer « souples » pour se voir confier des concessions d’aménagement par les communes. Bien plus délicate risque d’être la situation des SEML d’aménagement monocommunales : sauront-elles prendre une autonomie suffisante, ne serait-ce que pour ménager leur avenir ?

C’est qu’il est probable que cet avis du CNC, en obligeant les SEML à clairement « annoncer la couleur » pour les opérations d’aménagement qui leur sont confiées et qui sont le fondement même de leur existence, renforce le débat déjà engagé sur la responsabilité des SEML dans ce secteur d’activité et pourra multiplier les conflits, voire les contentieux, avec les concédants qui découvriraient ou feindraient de découvrir le coût des décisions prises.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.