Billet 2014-11-01
La loi « ALUR » a modifié les règles régissant la valeur et donc le prix des actions des entreprises sociales pour l’habitat (ESH). Si la modification semble, au premier abord, technique et relativement simple, une analyse plus approfondie suscite quelques interrogations.
Jusqu’alors le prix – et donc la valeur – des actions des ESH était strictement limité à son montant nominal, étant précisé qu’il s’agissait là d’un prix maximum, les parties étant libres de le fixer en dessous de ce plafond. Et, comme les dividendes que ces sociétés peuvent distribuer à leurs actionnaires étaient et restent plafonnés à ce même nominal portant intérêt au taux du livret A majoré de 150 points de base, il était possible d’inclure dans le prix de vente des actions ces mêmes dividendes que le vendeur n’aurait pas perçus pendant les 20 ans précédant la cession[1].
Dans sa nouvelle rédaction, l’article L. 423-4 du code de la construction et de l’habitation conserve cette règle mais en limitant son application au seul cas où le cédant ne connaît pas avec précision, soit le montant, soit la date d’acquisition de ses actions[2] qu’il vend.
Plus de limite dans le temps aux dividendes
Dans la rédaction précédente, le vendeur des actions HLM ne pouvait espérer inclure dans son prix que les dividendes qu’il n’aurait pas perçus au cours des 20 années précédant la cession. Désormais, cette limite ne vaut que si le montant ou la date d’acquisition de ces actions ne sont pas établis.
Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque le vendeur peut établir avec la précision requise le prix d’acquisition de ses actions et la date de cette acquisition, il pourra, s’il n’a jamais perçu de dividendes pendant toute la durée de sa propriété des actions, les incorporer à son prix de vente. Et la durée peut alors être de plus de 20 ans.
Reste cependant à savoir si tous les détenteurs d’actions d’ESH sont en capacité d’établir avec précision le montant et la date d’acquisition de leurs actions. Certains actionnaires sont bien anciens et il est fort possible que les archives des ESH pour ce qui concerne le suivi de leurs actions ne soient pas toujours exhaustives ou conservées. L’on notera cependant, qu’avec la réforme de la gouvernance des ESH du début des années 2000, des mouvements importants d’actions ont été opérés et qu’ils sont assez récents pour que l’on puisse en fixer précisément les montants et les dates.
La capitalisation des dividendes
Toujours dans la même veine si le vendeur des actions les avait lui-même achetées à un prix qui comprenait des dividendes non perçus, ceux-ci viendront alors en augmentation pour le calcul du prix des actions. Ce qui revient à ce que l’on nommera l’anatocisme des dividendes du capital !
Au fil du temps, la valeur et donc le prix des actions qui n’auront pas détaché leurs coupons prendront ainsi de la valeur, les coupons étant inclus dans le prix et porteront eux-mêmes intérêts.
La possibilité d’un prix négatif
Et désormais, comme l’on ne se réfère plus au nominal des actions mais au montant de leur acquisition pour en fixer le prix de vente, il est parfaitement possible que celui-ci devienne négatif : le vendeur paie l’acheteur des actions.
Un exemple simple peut permettre de démontrer un tel cas. Imaginons que le vendeur ait acquis les actions pour un franc ou un euro symbolique et que, pendant tout ou partie de la durée de détention de ces actions il ait perçu des dividendes. Il va de soi que la rémunération au taux du livret A majoré de 150 points de base d’une valeur d’un franc ou d’un euro ne donnera pas une somme importante dont il faudra alors retrancher les dividendes perçus : l’on parviendra nécessairement à un prix négatif puisque les dividendes sont calculés sur le nominal des actions.
– Montant de l’acquisition 1 €
– Dividendes perçus –500 €
– Prix de vente des actions -499 €
La notion de prix d’acquisition
C’est bien cette notion nouvelle de montant de l’acquisition qui introduit des nouveautés et des variations sensibles de la valeur et donc du prix des actions des ESH.
Lorsque l’on parle de montant de l’acquisition, l’on pense assez spontanément à une vente d’actions comportant un prix payé. Mais il pourrait aussi s’agir d’autres opérations, comme par exemple, l’échange d’actions intervenant dans le cadre de fusion d’ESH. Dans la réglementation précédente[3], il était possible que les actionnaires de la société absorbée soit rémunérés jusqu’à une fois et demi le nominal des actions. Par exemple, telle personne détenait, à l’origine 1 action de l’ESH « X » d’un nominal de 50 € (souscription à la constitution). L’ESH « X » avait été absorbée par l’ESH « Y » avec une rémunération des actionnaires de « X » à hauteur de 75 € (1,5 fois le nominal). Le montant de l’acquisition peut alors être fixé à 75 € et porter intérêt à livret A plus 1,50% pour la fixation du prix de vente de l’action.
Conclusion
La réforme des règles de fixation du prix de vente des actions des ESH survenu avec la loi « ALUR » introduit plus de souplesse et donc la possibilité de prix plus élevé que par le passé. Pour autant, cette souplesse restera d’effet limité et les actionnaires des ESH ne saurait en déduire qu’il est mis fin au caractère non spéculatif du monde HLM.
[1] – Alinéa 1 de l’article L. 423-4 du CCH dans sa rédaction précédente : « Le prix maximum de cession des actions des sociétés d’habitation à loyer modéré mentionnées aux articles L. 422-2, L. 422-3 et L. 422-13 est limité au montant du nominal de ces actions, majoré pour chaque année ayant précédé la cession sans pouvoir excéder vingt années d’un intérêt calculé au taux servi au 31 décembre de l’année considérée aux détenteurs d’un premier livret de caisse d’épargne majoré de 1,5 point et diminué des dividendes versés pendant la même période. »
[2] – Alinéa 1 de l’article L. 423-4 du CCH dans sa rédaction actuelle : « Le prix maximal de cession des actions des sociétés d’habitations à loyer modéré mentionnées aux articles L. 422-2, L. 422-3 et L. 422-13 est limité au montant d’acquisition de ces actions, majoré, pour chaque année ayant précédé la cession, d’un intérêt calculé au taux servi au 31 décembre de l’année considérée aux détenteurs d’un livret A, majoré de 1,5 point et diminué des dividendes versés pendant la même période. Lorsque le montant ou la date d’acquisition ne peut être établi, il est appliqué le montant du nominal de ces actions pour une durée de détention ne pouvant excéder vingt ans. »
[3] – Circulaire n° 91-86 du 20 décembre 1991relative aux nouveaux statuts des sociétés anonymes d’habitations à loyer modéré et des sociétés coopératives d’habitations à loyer modéré (NOR:EQUC9110155C)