La note 36 – février 2003
L’objet de la circulaire du 20 novembre dernier du ministre délégué aux libertés locales porte sur « le régime juridique des SEML ». Une large part de son contenu (la première partie) est consacrée aux relations financières entre ces sociétés et les collectivités territoriales. Cette circulaire de présentation des dernières réformes (loi « SRU », « NRE » et sur les SEML) est l’occasion de distinguer le financement public qui bénéficie aux activités des SEML et à celles-ci.
Le financement des activités traditionnelles des SEML
Pour le logement social, la loi dite « SRU » a, en introduisant les articles L. 1523-5 et 1523-6 au CGCT, conforté le fondement légal d’apports de financement aux SEML. L’idée générale est que l’argent public aide suffisamment l’investissement pour que l’exploitation des logements soit durablement équilibrée.
L’article L. 1523-5 du CGCT prévoit les avances et les subventions d’investissement pour le logement social. Les formalités exigées pour de tels apports de fonds sont simples : la conclusion d’une convention entre la SEML et la collectivité territoriale et une décision de l’assemblée délibérante de cette dernière.
Un financement d’exploitation, sous forme de subvention, est aussi possible mais seulement dans des circonstances exceptionnelles. Selon l’article L. 1523-6 du CGCT, sont concernées les opérations financées selon les termes de l’article L. 1523-5 et connaissant des difficultés. Les subventions que les collectivités peuvent verser sont à accompagner de mesures de redressement. Enfin la décision de la collectivité territoriale est prise sur la foi d’un rapport de la société et d’un, du commissaire aux comptes.
Pour l’aménagement, c’est encore la loi « SRU » qui a modifié le cadre juridique des opérations de cette nature en instituant la convention publique d’aménagement, régie par les articles L. 300-4 et L. 300-5 du code de l’urbanisme. L’idée générale est de conforter les financements déjà existants mais d’éviter que les collectivités territoriales aient de « mauvaises surprises » du fait des opérations confiées à leurs SEML.
La participation des collectivités territoriales à l’équilibre du bilan d’une opération d’aménagement reste possible ; il est seulement exigé qu’elle soit clairement identifiée et évaluée dans le contrat. Et l’on sait que la seule façon pour une collectivité de conclure un contrat est de le soumettre à son assemblée délibérante.
L’occasion a été saisie de conforter la légalité des avances des collectivités territoriales à leurs SEML en charge d’opérations d’aménagement. Ces avances présentent un intérêt certain pour apporter à l’opération une trésorerie moins onéreuse que le recours à l’emprunt. L’on sait que même si la collectivité qui consent l’avance doit recourir à l’emprunt pour la financer, elle bénéficiera de meilleures conditions de la part de son banquier puisque son « risque » est moindre que celui de la SEML : lorsque la SEML emprunte, elle ne peut présenter au banquier de garantie de la collectivité territoriale que portant, au mieux, sur 80 % de sa dette.
Assez curieusement, le financement des équipements devant revenir aux collectivités territoriales par le biais du « FCTVA » est mentionné dans la quatrième partie de la circulaire. Sans doute la raison en est-elle qu’il s’agit plus d’un financement des collectivités territoriales à la charge de l’État que d’un financement des opérations d’aménagement des SEML.
Pour la gestion de services publics, les textes récents n’ont pas apporté d’innovation et la circulaire se borne à renvoyer aux articles L. 2224-1 et L. 2224-2 du CGCT. Les collectivités territoriales peuvent subventionner les services publics industriels et commerciaux lorsqu’il n’est guère envisageable ou voulu que l’usager en paie le coût réel.
Le développement économique : une activité nouvelle pour les SEML ?
C’est la loi de 2002 sur les SEML qui leur ouvre la voie d’une activité de promotion économique d’un territoire ou de services communs aux entreprises par l’institution d’un article L. 1523-7 dans le CGCT qui précise bien qu’il ne s’agit pas de financements relevant des aides économiques aux entreprises.
S’agissant de la promotion économique d’un territoire, l’on aurait pu penser que le dispositif antérieur suffisait pour recourir à une SEML : les collectivités territoriales peuvent toujours user d’un marché de prestation de services ou d’un mandat. Mais il est probable que ces solutions n’ont pas été estimées suffisamment sûres et confortées légalement.
Pour les services communs, il s’agit de fournir aux entreprises des prestations dont le coût ne leur est pas entièrement facturé. Mais, et la circulaire le souligne, ce ne sont pas des aides économiques… Sans doute, l’objet est-il de créer ou de renforcer quelques SEML dont la principale mission sera de servir de moteur au développement économique de territoires.
Le financement des SEML
Indépendamment de leurs activités (la circulaire parle de leurs contrats avec les collectivités territoriales), les SEML peuvent bénéficier d’autres financements. Il s’agit, en premier lieu du capital social et la loi de 2002 a renforcé la prédominance des collectivités territoriales qui peuvent en détenir, jusqu’à 85 %. Mais, au delà de cette évolution, limitée dans ses effets, le principal apport de la loi a été d’autoriser les comptes courants d’actionnaires.
Les apports sous forme de compte courant sont soumis à des conditions. Sur la forme, il faut qu’une convention soit passée entre la SEML et la collectivité qui précise l’objet, la nature et le durée de l’apport ainsi que ses modalités (terme, rémunération…). Sur le fond, de tels apports sont de deux ans au plus (durée renouvelable une fois) et doivent, à leur terme, être remboursés ou incorporés au capital social. Ils ne peuvent exister si les pertes de la SEML ont ramené ses capitaux propres à moins de la moitié de son capital et ne peuvent excéder, pour la collectivité, 5 % de ses recettes réelles de fonctionnement. Si ces diverses conditions sont simples, encore faut-il savoir l’usage qui sera fait de ces fonds.
Pour toutes les activités de la SEML qui nécessitent des investissements importants que leur exploitation recommande de financer par fonds propres (le logement social ou certains services publics), la technique de l’apport en compte courant n’est pas adaptée si le « retour sur investissement » est attendu à un terme de plus de 2 ans.
Pour les opérations d’aménagement, cette technique pourrait se justifier dans le cas de conventions privées puisque sous convention publique, l’on peut recourir aux participations et aux avances. Mais, ici encore, il est peu probable que le terme de 2 ans (ou même 4 ans) de telles avances les rende praticables.
Peut-être ce mode de financement serait-il adapté aux opérations d’accession sociale à la propriété. Mais l’on sait que cette activité a été plutôt délaissée par les SEML (à l’exception de celles de l’outre-mer) et la question se pose alors du sort du compte courant en cas de perte de l’opération car il sera alors difficile de le rembourser. Il resterait la solution de le transformer en capital social avant de le réduire pour éponger les pertes. Il est douteux que cette solution ait les faveurs du rédacteur de la circulaire. Ce serait conforter la technique des comptes courants pour financer les activités nouvelles alors qu’un obstacle de taille demeure : il n’est pas prévu qu’ils puissent être perdus dans le dispositif réglementaire en place.
En définitive : rappel des principes et nouveautés
Sur le financement des opérations traditionnelles des SEML (logement social, aménagement et services publics), les réformes récentes – la circulaire s’en fait l’écho – n’ont pas apporté de grandes nouveautés. Il s’est plutôt agi de conforter les pratiques observées qui ont parfois fait l’objet des foudres de la jurisprudence.
La nouveauté porte sur le financement des SEML de promotion économique et de services communs aux entreprises. Et tout se passe comme si la volonté est de confier ces activités à des SEML, parce qu’elles relèvent de la puissance publique.
Quant aux comptes courants qui étaient une réclamation ancienne de ces sociétés et des collectivités, le verrou a sauté. Mais il reste maintenant à voir ce que la pratique en fera et surtout si ce mode de financement viendra en complément des autres ou s’il se développera sur des activités nouvelles des SEML.