La note 19- mai 1999
Le rattachement des SEML aux secteurs public local et privé les soumets à des nombreuses obligations issues des droits public et privé. C’est ainsi que leur comptabilité fait l’objet de plusieurs contrôles :
– par les collectivités territoriales ou leurs groupements : • pris en leur qualité d’actionnaire car il appartient aux représentants de ces collectivités au sein du conseil d’administration ou de surveillance de la SEML de rendre compte de leur mandat à l’assemblée délibérante qui les a désignés et donc de leur soumettre les comptes annuels de la SEML ; • pris en leur qualité de client puisque la loi sur les SEML les autorise à se faire communiquer la comptabilité des opérations confiées ainsi que toutes pièces justificatives et que l’assemblée délibérante statue sur les comptes rendus de ces opérations ;
– par la Chambre régionale des comptes ou, le cas échéant, la Cour des comptes qui peuvent vérifier tant la comptabilité que la gestion ;
– par un ou plusieurs commissaire aux comptes dont la mission essentielle consiste dans le contrôle des comptes annuels.
Si, pour les praticiens du secteur public local les rôles et missions des collectivités territoriales, actionnaires ou clientes de SEML, ainsi que de la CRC sont familières, il semble qu’il en soit autrement pour ce qui concerne l’intervention du commissaire aux comptes de la SEML.
Le statut du commissaire aux comptes
Longtemps considérés comme des mandataires des actionnaires chargés de permettre à ceux-ci de se prononcer en connaissance de cause sur les comptes sociaux, les commissaires aux comptes ont été progressivement investis, par la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et plus encore par celle du 1er mars 1984 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, d’une mission d’intérêt général de contrôle et de surveillance au profit non seulement des actionnaires mais aussi de toutes les personnes (créanciers, fournisseurs, banquiers …) qui ont à apprécier la situation financière de la société et qui, pour cela, doivent pouvoir se fier aux documents comptables et financiers la concernant.
Le commissariat aux comptes est une profession réglementée : l’organisation de la profession et le statut des commissaires aux comptes sont fixés par le décret n° 69-810 du 12 août 1969 (modifié en dernier lieu par le décret n° 92-764 du 3 août 1992). Seules les personnes physiques ou morales inscrites sur une liste spéciale, dressée dans le ressort de chaque cour d’appel, peuvent exercer ces fonctions. Cette réglementation peut être résumée ainsi :
– la qualification technique des commissaires aux comptes, assurée par : des examens professionnels permettant d’exciper de ce titre, des normes et une déontologie professionnelles et un contrôle confraternel de leur activité,
– leur indépendance qui résulte : • de l’incompatibilité de ce mandat légal avec tout autre activité : l’expert comptable, le conseil ou l’administrateur d’une société ne peut en être commissaire aux comptes ; • d’une définition légale et réglementaire de ce mandat qui n’est pas divisible ni ne peut être restreint.
Le commissaire aux comptes et son suppléant sont désignés par l’assemblée générale des actionnaires pour une durée de 6 exercices. Le commissaire aux comptes est toutefois désigné dans les statuts de la société lors de la constitution de celle-ci. Le mandat d’un commissaire aux comptes est renouvelable à chaque échéance, sans limitation. La loi permet de demander en justice la récusation du ou des commissaires aux comptes mais cette faculté ne peut être exercée que dans les conditions strictement définies par la loi. Par ailleurs, la demande de récusation ne peut être motivée que par une circonstance permettant de suspecter sa compétence, son honorabilité, son impartialité ou son indépendance à l’égard de l’organe qui l’a désigné.
La rémunération des commissaires aux comptes est déterminée à la vacation en fonction du nombre d’heures de travail consacrées au contrôle. À cet effet, les commissaires aux comptes doivent établir par écrit un programme de travail décrivant les diligences estimées nécessaires au cours de l’exercice, compte tenu des prescriptions légales, des normes professionnelles et des pratiques usuelles tout en indiquant le nombre d’heures de travail à y consacrer ainsi que le montant des honoraires correspondants. Le montant de la vacation horaire est fixé d’un commun accord entre le ou les commissaires et les dirigeants sociaux. Les honoraires sont pris en charge par l’organisme contrôlé.
Ni la mission du commissaire aux comptes, ni sa responsabilité ne se confondent avec celles des dirigeants sociaux : ceux-ci ont la charge, sous leur responsabilité, d’établir des comptes réguliers et sincères et qui donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de cet exercice, d’informer correctement les associés, de veiller au bon fonctionnement des services de la société et de contrôler l’activité du personnel. Le commissaire aux comptes ne saurait être responsable de toute irrégularité qui serait commise dans la société qu’il contrôle, sa responsabilité ne pouvant être mise en cause que s’il a commis une faute dans l’exercice de ses fonctions et que s’il existe un lien de causalité direct entre la faute commise et le préjudice subi. Il convient également de noter que le commissaire aux comptes est soumis à une obligation de moyen et non de résultat. Il n’a donc pas à rechercher les erreurs ou irrégularités de façon systématique qui pourraient entacher les opérations contrôlées. Il doit en revanche mettre en oeuvre des diligences – que les normes professionnelles précisent – dans le but de parvenir à se forger une opinion.
Le contrôle des comptes
Le commissaire aux comptes contrôle, en vue de leur certification, les comptes annuels qui comprennent, de façon indissociable : • le bilan, qui décrit, à la fin de l’exercice, les actifs et passifs de l’entreprise, et fait apparaître, de façon distincte, les capitaux propres ; • le compte de résultat, qui récapitule les produits et les charges de l’exercice, sans qu’il soit tenu compte de leur date de dénouement en trésorerie et fait ressortir, après amortissement et provisions, le résultat de l’exercice ; • l’annexe, qui a pour objet de commenter et compléter l’information donnée dans le bilan et le compte de résultat.
La mission consiste (pour reprendre la formule consacrée) à certifier que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat, de la situation financière et du patrimoine de la société. La régularité des comptes est issue, selon le plan comptable général, de leur conformité aux règles et procédures en vigueur. Toujours selon la même source, la sincérité est l’application de bonne foi des règles et procédures, en fonction de la connaissance que les responsables de ces comptes doivent normalement avoir de la réalité et de l’importance des opérations, événements et situations. En fonction des différentes définitions de la doctrine, la notion d’image fidèle peut constituer un principe dont il est fait recours lorsque les règles applicables sont inexistantes ou insuffisantes à traduire la réalité économique. S’agissant de notions subjectives, il est clair qu’il s’agit, pour le commissaire aux comptes, de se forger une opinion – et de la formuler – sur le point de savoir si les comptes produits reflètent bien la situation économique de l’entreprise. En d’autres termes, l’exactitude des comptes n’est pas certifiée.
Le rapport général est le document dans lequel le commissaire aux comptes présente à l’assemblée générale des actionnaires qui l’a nommé les conclusions de ses travaux. Le rapport général est établi sous une forme prévue par les normes professionnelles : les informations qui doivent y figurer sont fixées par la loi. Ce rapport a deux parties :
– l’une relative à l’expression de l’opinion du commissaire aux comptes sur les comptes annuels ; dans cette partie, le rapport distingue la référence aux contrôles effectués et l’expression de l’opinion sur les comptes annuels (certification sans réserve – avec réserve(s) – refus de certifier) ;
– l’autre relative aux vérifications et informations spécifiques prévues par la loi et les règlements ; notons qu’à ce titre, le commissaire aux comptes s’assure de la sincérité des informations fournies par le conseil d’administration aux actionnaires et de leur concordance avec les comptes annuels.
L’opinion du commissaire aux comptes sur les comptes annuels est clairement exprimée en conclusion de la première partie de son rapport général. Cette opinion ne peut être que l’une des suivantes :
– la certification pure et simple : les comptes annuels sont alors certifiés réguliers et sincères et donner une image fidèle de la situation financière, du résultat et du patrimoine de la société ;
– la certification avec réserve(s) ; la réserve peut être définie comme étant l’absence de certification de la régularité, de la sincérité et de l’image fidèle, limitée à un point particulier des comptes annuels ; elle peut être formulée si : • des erreurs, des anomalies ou des irrégularités existent dans l’application des règles et principes dont l’incidence, bien que significative, est insuffisante pour rejeter l’ensemble des comptes ; • une ou des incertitudes affectant les comptes dont la résolution dépend d’événements futurs mais dont l’incidence est insuffisante pour refuser de certifier ;
il appartient au commissaire aux comptes qui formule une réserve de préciser clairement dans son rapport la nature des erreurs, limitations ou incertitudes qui l’ont conduit à la formuler, le tout avec des éléments chiffrés si possible ;
– le refus de certification ; dans ce cas, le commissaire aux comptes a : • constaté des erreurs, des anomalies ou des irrégularités dans l’application des règles et principes comptables qui sont suffisamment importantes pour affecter la validité d’ensemble des comptes annuels ; • constaté des incertitudes affectant les comptes annuels dont la résolution dépend d’événements futurs et dont l’importance est telle qu’il ne lui est pas possible de se faire une opinion sur l’ensemble des comptes annuels.
Dans ce cas, le commissaire aux comptes peut avoir à saisir le procureur de la République pour présentation ou publication de comptes ne donnant pas une image fidèle, au sens de l’article 437-2° de la loi.
La procédure d’alerte
L’article L 230-1 alinéa 1 de la loi du 24 juillet 1996 sur les sociétés commerciales prévoit que cette procédure doit être déclenchée lorsque le commissaire aux comptes relève, lors de sa mission, tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. Dans ce cas, le commissaire aux comptes doit déclencher l’alerte.
Les faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation concernent la situation financière, économique et sociale de l’entreprise et constituent des événements de nature objective, survenus ou pouvant survenir, susceptibles d’affecter la poursuite de l’activité dans un avenir prévisible. Ces faits constituent généralement un ensemble d’événements convergents suffisamment préoccupants compte tenu du contexte particulier de l’entreprise. En d’autres termes, le commissaire aux comptes doit apprécier si la continuité de l’exploitation ne risque pas d’être compromise par des faits dont il a eu connaissance tout au long de l’exercice de sa mission.
Dans les sociétés anonymes, la procédure d’alerte peut comprendre 4 phases successives.
– Le commissaire aux comptes doit attirer l’attention du président du conseil d’administration sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation qu’il a relevé au cours de l’exercice de sa mission. Dans la pratique, avant de déclencher officiellement la procédure d’alerte, le commissaire aux comptes aura un entretien préalable avec les dirigeants. Le commissaire aux comptes demande, par écrit, des explications et doit exposer les faits et préciser les raisons pour lesquelles ceux-ci compromettraient la continuité de l’exploitation. Cette demande doit être motivée et circonstanciée. Cette demande peut être effectuée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La réponse des dirigeants doit intervenir sous quinzaine, par lettre recommandée avec accusé de réception. Elle doit contenir l’analyse des difficultés, et indiquer éventuellement les mesures envisagées. Lorsque cette réponse est satisfaisante, la procédure d’alerte prend fin.
– À défaut de réponse des dirigeants sous quinze jours, ou si celle-ci ne permet pas d’être assuré de la continuité de l’exploitation, le commissaire aux comptes invite, par écrit, le président ou le directoire à réunir le conseil d’administration ou de surveillance afin de délibérer sur les faits relevés. Cette convocation doit être faite dans les quinze jours qui suivent la réception de la lettre du commissaire aux comptes et le conseil doit délibérer dans le mois de cette réception. Le commissaire aux comptes est convoqué à cette séance. Un extrait du procès-verbal de la réunion doit être adressé au commissaire aux comptes et au comité d’entreprise dans le mois qui suit cette réunion. La loi n° 94-475 du 10 juin 1994 (art L 230.1 alinéa 2 modifié), oblige le commissaire aux comptes à informer le Président du tribunal de commerce du déclenchement de la phase 2. Dans cette information, le commissaire aux comptes doit se borner à indiquer au président du tribunal de commerce que la procédure d’alerte a été déclenchée dans l’organisme contrôlé et que le conseil d’administration s’est réuni à telle date ou ne s’est pas réuni. Le Président du tribunal de commerce pourra alors obtenir communication, sur demande, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière de la société. L’obligation d’information intervient à compter de la date où le conseil d’administration s’est tenu ou aurait dû se tenir (soit dans les quinze jours qui suivent la réception de la lettre du commissaire aux comptes invitant le dirigeant à faire délibérer ledit conseil). La démarche doit être accomplie « sans délai » ; aussi est-il recommandé au commissaire aux comptes d’informer le président du tribunal du déroulement de la procédure sans attendre d’avoir reçu le procès-verbal du conseil d’administration.
– En cas d’inobservation de ces dispositions, ou s’il constate qu’en dépit des décisions prises, la continuité de l’exploitation demeure compromise, le commissaire aux comptes établit un rapport spécial qui est présenté à la prochaine assemblée générale des actionnaires. Ce rapport doit être communiqué au comité d’entreprise. Conformément au droit commun, le commissaire aux comptes peut procéder lui même à la convocation de l’assemblée, mais il ne peut le faire qu’après avoir vainement requis cette convocation du conseil d’administration ou du directoire.
– Si, à l’issue de la réunion de l’assemblée générale, le commissaire aux comptes constate que les décisions prises ne permettent pas d’assurer la continuité de l’exploitation, il doit informer de ses démarches le Président du tribunal de commerce et lui en communiquer les résultats. Dans cette phase, l’information donnée au président du tribunal de commerce est complète sans risque de violation du secret professionnel par le commissaire aux comptes.
Les limites de la mission du commissaire aux comptes
Le commissaire aux comptes est tenu au secret professionnel pour tous les faits, actes et renseignements dont il a connaissance à raison de ses fonctions. Sauf obligation légale ou réglementaire, il ne peut communiquer aucune information sur la société qu’il contrôle à toute personne, même cocontractante de ladite société. Cette obligation a conduit à définir les modalités de communication entre le commissaire aux comptes et la société qu’il contrôle :
– le secret ne vaut pas dans les relations du commissaire aux comptes avec les organes de gestion de la société (le conseil d’administration) ; mais si le commissaire aux comptes peut librement communiquer avec le représentant légal de la société (président du conseil d’administration) ou en séance du conseil d’administration, en revanche il ne dispose pas de la faculté d’en faire autant auprès de l’un quelconque des administrateurs pris individuellement ;
– l’assemblée générale des actionnaires prise dans sa collégialité ne saurait se voir opposer ce secret professionnel pour ce qui concerne les conclusions du contrôle de l’information financière assuré par le commissaire aux comptes et ce afin qu’elle puisse se prononcer en toute connaissance de cause ; pour autant elle ne saurait aller au delà. Le commissaire aux comptes n’est délié du secret professionnel que vis-à-vis de certaines personnes dont les autorités judiciaires (notamment le procureur de la République en raison de l’obligation de lui révéler les faits délictueux dont il a eu connaissance) dans les cas prévus par la loi ainsi que les Chambres régionales des comptes.
La loi sur les sociétés commerciales fait interdiction au commissaire aux comptes d’une société de prendre une part quelconque dans sa gestion. Le sens de cette interdiction est de distinguer strictement les fonctions et les responsabilités de gestion et de contrôle assurées respectivement par les dirigeants et l’organe de contrôle qu’est le commissaire au comptes. Cette interdiction porte : • sur l’accomplissement d’actes de gestion, directement ou indirectement non plus que par association ou substitution aux dirigeants ; • sur l’expression de jugements de valeur, critiques ou élogieux, sur la conduite de la gestion en son ensemble ou dans ses opérations particulières.
Notons que ce principe souffre d’exceptions prévues par la loi qui sont toutefois de portée limitée ; il en va ainsi de l’appréciation du caractère sincère de certaines opérations ou du caractère délictueux de certains faits que le commissaire aux comptes doit révéler au procureur de la République ou de la convocation de l’assemblée des actionnaires en cas de carence des dirigeants…
Mais cette interdiction ne signifie pas pour autant que le droit du commissaire aux comptes d’être informé sur la gestion de la société est réduit. En effet, une telle information est nécessaire pour qu’il puisse exercer le mandat légal qui lui est confié, notamment pour ce qui concerne la certification des comptes. Dans la pratique, la frontière entre gestion et comptabilité peut s’avérer délicate à tracer et d’autant plus qu’en fonction des circonstances, elle peut être déplacée. Notons que les conflits sur ce point sont peu fréquents.