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SEM et contrôle interne

La note 54 – septembre 2005

INTRODUCTION

La loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière avait modifié le contenu de l’information financière en instituant une obligation nouvelle pour les présidents des conseils d’administration, consistant à rendre compte des procédures de contrôle interne.

Même si cette obligation est désormais supprimée pour la plupart des sociétés, elle aura eu le mérite d’attirer l’attention des dirigeants sur l’importance du contrôle interne.

Il n’est donc pas inutile de revoir quelques définitions et analyse de contrôle interne, s’agissant de SEML.

Parce que les SEML exercent des missions d’intérêt général ou de service public pour les collectivités territoriales et leurs groupements, elles utilisent des fonds publics et sont soumises à toutes les contraintes en découlant. Et il leur est surtout demandé d’apporter à la gestion de leur activité la plus grande rigueur. Cette partie du contrôle interne sera ainsi tout particulièrement développée.

Une des conséquences, et non des moindres, de l’emploi de fonds publics consiste dans la production d’une information comptable et financière spécifique. En ce domaine, les SEML sont tout particulièrement visées à raison de leur nature comme de leurs activités. Le contrôle interne mis en place pour produire cette information financière ne manquera certainement pas d’intéresser vivement les commissaires aux comptes des SEML.

OBSERVATIONS LIMINAIRES

La notion même de contrôle recouvre deux acceptions que la langue courante permet facilement de comprendre : contrôler, c’est vérifier (le contrôle des tickets dans le métropolitain) mais c’est aussi maîtriser (contrôler son automobile). Et le contrôle interne recouvre, bien entendu, les deux sens du terme. Les procédures de contrôle interne visent à s’assurer, d’une part, de la maîtrise de l’entreprise et, d’autre part, que les vérifications adéquates sont faites.

Si l’on examine les dispositions réglementaires applicables aux SEML, force est de constater que la réglementation fournit de nombreux dispositifs de maîtrise et de vérification de leurs activités.

  • C’est ainsi que la transposition des règles de la commande publique à ces sociétés (introduite par la loi « Sapin ») constitue indéniablement un instrument de maîtrise de la gestion de leurs activités.
  • Pour ce qui est des vérifications, elles ne manquent pas dans les SEML : chambre régionale des comptes, mission interministérielle d’inspection du logement à occupation sociale ou bien encore accès aux documents comptables de la part des collectivités clientes.

Les trois objectifs que les différentes définitions du contrôle interne s’accordent à lui reconnaître s’inscrivent dans une démarche cohérente et raisonnée :

  • il s’agit, dans un premier temps, de bien comprendre l’économie des opérations menées par l’entreprise de sorte que l’organisation de leur réalisation soit adaptée et efficace ;
  • il faut, ensuite, s’assurer que ces activités s’inscrivent bien dans un cadre juridique défini et suffisamment clair pour éviter toute ambiguïté comme les sanctions qui s’attachent aux atteintes aux lois et règlements en vigueur ;
  • et ce n’est que lorsque les deux premières étapes sont franchies qu’il est possible de procéder à l’enregistrement comptable et à la confection d’une information financière qui donne une image fidèle de l’entreprise et de ses activités.

Toute une série de pratiques illustrées par des termes répandus dans l’univers des SEML montre assez largement que cette démarche est intégrée à la vie quotidienne : la distinction entre opérations et fonctionnement, celle opérée entre les opérations propres et les opérations pour compte des collectivités clientes, la comptabilité d’opérations…

1.         L’UTILISATION DE FONDS PUBLICS

La principale originalité des SEML tient à leur maîtrise par les collectivités territoriales ou leurs groupements ; la loi en a même fait la définition de ces sociétés (dont plus de la moitié du capital et des voix dans les organes de la société doit être détenue par ces personnes morales de droit public). La raison, probablement inscrite dans une certaine tradition française, tient à la confiance accordée aux institutions dépendantes du secteur public pour manier de l’argent public ou pour exercer des activités d’intérêt général ou de service public. Le fait que les SEML doivent à la fois préserver leur patrimoine et l’intérêt général constitue indéniablement leur originalité qui se retrouve aux différentes étapes de la démarche du contrôle interne, pris dans son acception la plus large.

1.1.      La compréhension des métiers exercés

La compréhension des métiers exercés par une entreprise est généralement exprimée comme étant « l’environnement du contrôle interne ». Pour ce qui concerne les SEML, la principale caractéristique en est l’utilisation de fonds publics pour l’accomplissement de missions d’intérêt général ou de service public. Et le point crucial sera de bien distinguer ce qui relève de la richesse propre à l’entreprise de ce qui relève de la mission menée.

Pour la maîtrise publique d’ouvrage déléguée aux SEML, la distinction entre ce qui relève de la SEML et ce qui relève du donneur d’ordres est généralement bien nette :

  • d’une part, l’on fournit une prestation de services qui comporte un coût à couvrir par la rémunération que l’on en tire et le risque de la société est celui habituel à ce type d’activités ; de ce point de vue, l’objectif premier du contrôle interne sera de préserver ou d’accroître la richesse de l’entreprise prestataire ;
  • d’autre part, des fonds publics sont engagés ou maniés et il convient alors de le faire dans le plus strict respect de la réglementation applicable ; ici, le contrôle interne privilégiera l’aspect qualitatif des prestations fournies au client.

Pour l’aménagement, la distinction est, souvent, plus délicate à mettre en œuvre selon que la SEML est opérateur, pour son propre compte ou pour le compte de la collectivité initiatrice ou bien encore prestataire de services. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer les confusions qui persistent, ici ou là, entre :

  • les mandats et les prestations d’études, surtout lorsqu’elles sont incorporées à une convention publique d’aménagement ;
  • les conventions privées et publiques d’aménagement.

En logement social, la tentation est grande de considérer les biens immobiliers comme constituant un patrimoine, source de richesse de l’entreprise. Or, s’agissant d’immeubles financés sur des fonds publics (par voie de subventions publiques, d’épargne populaire ou d’impôt par le biais de l’aide personnalisée au logement), l’on sait que la réglementation les considère comme « biens de la nation » affectés définitivement à un usage social. Et la mission des SEML consiste moins dans la gestion de leur patrimoine que dans la fourniture de logements aux populations concernées.

Pour les services publics dans lesquels les SEML interviennent, la question est de savoir si cette intervention consiste en leur gestion ou leur exploitation, sachant que les risques pris et les conséquences qui en découlent sont différents.

  • Dans le premier cas, l’intervention de la SEML s’inscrit dans le cadre d’un marché public et son risque économique est limité à la prestation de services fournie, tout comme en maîtrise d’ouvrage déléguée.
  • Dans le second cas, la SEML assume, au moins partiellement, le risque de l’exploitation du service sur le plan économique dans le cadre de la convention de délégation de service public qu’elle a conclue selon les règles en vigueur.

La démarche générale de compréhension des activités de la SEML qui est la fondation même de la mise en place d’un système cohérent de contrôle interne :

  • suppose un inventaire aussi complet de ses activités et des contrats qu’elle a pu conclure avec les collectivités clientes ;
  • se manifeste par l’existence et un bon fonctionnement des instruments de pilotage tels que les budgets et leur suivi ou bien encore, plus simplement, par la présentation de l’annexe aux comptes annuels.

1.2.      Les risques

Les risques financiers que la SEML court à raison des activités qu’elle exerce sont nombreux et variés. Ils peuvent cependant être classés en catégories.

Le premier des risques, et sans doute le plus facile à identifier, tient à la nature même de son intervention : s’agit-il d’une opération menée pour son propre compte ou d’une opération menée pour le compte d’une collectivité cliente ? Il s’agit ici, pour l’essentiel, d’une analyse approfondie des contrats conclus pour déterminer le risque économique et financier porté par la société. bien entendu, dans l’objectif plus large du contrôle interne, il est moins question d’un simple inventaire à un moment donné que d’une préoccupation constante qui se traduit par un mode d’organisation et de fonctionnement. C’est ainsi que la négociation des contrats doit prendre en considération cet aspect, tout comme la conclusion de ces contrats.

Le deuxième risque est moins immédiat dans son appréhension : il consiste dans la prise en charge des conséquences des fautes commises dans l’accomplissement des missions menées. Pour prendre un exemple, l’on citera le cas des intérêts moratoires à payer à une entreprise qui intervient pour la construction d’un équipement confiée en mandat de maîtrise d’ouvrage déléguée à la SEML ; si ces intérêts moratoires sont causés par une défaillance dans l’instruction et le paiement des situations qui soit imputable à la SEML et non pas au mandant (une mise à disposition tardive des fonds permettant le paiement), elle devra en supporter le coût sur sa rémunération. Et ce risque est d’autant moins facile à mesurer que même si la cause de sa survenance est née, elle ne sera pas forcément révélée.

Le dernier risque, et qui peut n’être pas le moindre par sa consistance, est celui qui pèse sur toute entreprise et qui tient à son « marché », c’est-à-dire à son contexte économique et réglementaire. Le blocage des loyers ou la modification du taux de la TVA sur les charges immobilières pèsent sur l’exploitation des immeubles de logements sociaux, tout comme la désertification d’un quartier. Une collectivité territoriale peut éprouver des difficultés à équilibrer ses budgets et ses comptes et tarder à honorer les engagements qu’elle a souscrits, même s’il l’ont été en bonne et due forme. La maîtrise et la surveillance de ces risques passe par une bonne connaissance du marché de la SEML et de ses clients.

Le risque financier des collectivités est aussi à considérer et il requiert aussi un contrôle interne efficace. Comme la SEML peut agir pour le compte des collectivités clientes, elle est amenée à gérer le risque financier de ces dernières. Et les critiques n’auront pas manqué, au fil du temps, consistant à reprocher, parfois avec raison, aux SEML de masquer les engagements financiers des collectivités clientes. La réforme comptable des concessions d’aménagement de 1999 visait même très précisément à pallier les effets de cette opacité reprochée aux SEML : il faut désormais que les comptes annuels de ces sociétés estiment et enregistrent les risques financiers supportés par les collectivités territoriales au titre des opérations d’aménagement qu’elles ont décidé de confier par voie de convention publique d’aménagement. Les différentes procédures que la SEML met en place pour son propre contrôle interne doivent ainsi prendre en considération la gestion du risque financier des clients que sont les collectivités.

Les risques de dirigeants des SEML, tout spécialement à raison de la « judiciarisation » de la vie des affaires ou de le vie politique, sont loin d’être négligeables et il est probable que leur gestion s’est fortement développée au fil des dernières années. Et les dirigeants des SEML qui sont tout particulièrement visés sont les élus qui représentent leur collectivité territoriale.

En matières civile et commerciale, il est de principe que les élus ne sont que mandataires de leur collectivité de rattachement de sorte que les personnes physiques n’assument pas la responsabilité attachée aux fonctions de dirigeants (qu’ils soient administrateurs ou mandataires sociaux).Mais, comme tout principe, celui-ci comporte ses limites et exceptions que la jurisprudence a développé au cours du temps. S’agissant, par exemple, de la responsabilité des dirigeants de SEML en cas de procédures collectives :

  • la chambre commerciale de la cour de cassation (Lebas, 25 juin 1991, req. 88-14323 M) avait admis que le président du conseil d’administration n’agissait que comme mandataire de sa collectivité territoriale ;
  • plus récemment et pour l’action en extension du redressement judiciaire, une décision contraire a été rendue par la cour d’appel de Caen (24 septembre 1998, SEMCAR, n° 96-3559) : le président du conseil d’administration de la SEML a été reconnu personnellement responsable de la déconfiture de la société.

Si, en matière de responsabilité civile, les représentants des collectivités territoriales sont nettement distingués des représentants permanents des personnes morales administrateurs de sociétés anonymes, l’assimilation est pleine et entière pour la responsabilité pénale. La jurisprudence a ainsi confirmé (cassation criminelle, 16 février 1971, Bull. crim. n° 53, p. 133 et aussi du 16 décembre 1975, JCP 1976, II, 18476) que les élus engageaient leur responsabilité pénale propre : « les administrateurs des SEM, lorsque ces sociétés sont constituées, comme en l’espèce, conformément à la législation sur les société anonymes, sont soumis, quant à leur responsabilité pénale éventuelle, au droit commun des SA ».

Mais la responsabilité pénale des élus dirigeants des SEML est aussi issue de textes particuliers qui ne concerneront pas les personnes ordinaires. Il en va notamment ainsi des délits spécifiques au droit public tel que la prise illégale d’intérêt (anciennement l’ingérence). Exemple d’une question qui peut se poser en conseil d’administration de SEML : un élu, « administrateur » est aussi industriel et souhaite acquérir un immeuble construit par la SEML ; cette opération entre-t-elle dans les prescriptions visant les conventions réglementées ? Après analyse, il ressort que cette opération est courante (car elle entre pleinement dans l’objet social) et conclue à des conditions normales (le prix ressort de la grille établie) de sorte qu’elle n’a pas à être préalablement approuvée par le conseil d’administration. Et pourtant, le délit de prise illégale d’intérêt serait consommé si l’opération se réalisait. Et l’on sait que les infractions dans le domaine de la gestion des fonds publics sont nombreuses.

En plus de leur responsabilité civile et pénale, les élus sont aussi soumis à plusieurs textes qui les concernent directement dans l’exercice de leur fonction de « dirigeants » de SEML. Il n’est pas ici question d’en faire un tour d’horizon complet mais plutôt d’attirer l’attention sur la gestion de fait et la cour de discipline budgétaire et financière.

  • Sans entrer dans le détail de la notion de « gestion de fait » (elle peut survenir, dans une SEML de gestion du stationnement si elle collecte directement les recettes de voirie sans institution d’une régie de recettes), il faut cependant souligner que ses conséquences pour un élu peuvent être graves :
    • l’inéligibilité pendant la période qui sépare le jugement déclaratif de la gestion de fait du jugement des comptes ;
    • l’éventualité d’une mise en débet,
    • la possibilité du prononcé d’une amende dont le montant maximum est celui des fonds irrégulièrement maniés.
  • L’on sait que les élus locaux ne sont pas justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière lorsqu’ils agissent dans des fonctions qui sont l’accessoire obligé de leur fonction principale. Or il est de jurisprudence constante de cette cour que la fonction d’administrateur ou de président d’une SEML n’est pas l’accessoire obligé de la fonction exercée par l’élu en application d’une disposition législative ou réglementaire expresse. En conséquence, plusieurs élus, « dirigeants » de SEML ont été condamnés par cette instance (arrêt du 19 juillet 1974, SEM aménagement et MIN La Villette ; 23 février 1994, SEM A.).

Mais ces risques particuliers aux élus, même s’ils sont importants et tendent à se développer, ne sont pas les seuls : l’activité que les SEML exercent, parce qu’elles relèvent de l’intérêt général, comporte des incidences sur leur responsabilité dans de nombreux domaines, lesquels ont, au demeurant, une forte propension à s’étendre (il suffit de penser à l’environnement).

La complexité et la diversité des responsabilités encourues par les SEML et leurs dirigeants comme la nature et la lourdeur des sanctions qui s’y attachent rendent, dans ces sociétés, les risques juridiques particulièrement sensibles et il faut, pour s’en protéger, une vigilance de tous les instants qui ne peut s’exercer que dans le cadre de procédures définies et rigoureusement appliquées.

1.3.      Les points clés du contrôle interne

Les procédures de gestion que la SEML met en place pour assurer une bonne maîtrise de ses activités traduisent normalement la compréhension qu’elle en a. C’est ainsi que si l’on résume la gestion d’opérations d’aménagement ou de maîtrise d’ouvrage déléguée en l’élaboration et le suivi d’un budget, la gestion des engagements pris (les marchés et les lettres de commande) et de leur réalisation (facturation et paiements), l’on adoptera un modèle d’organisation du travail adapté et les tâches seront rationnellement réparties entre les services opérationnels, juridiques et comptables avec, le cas échéant, la mise en place des outils de traitement de l’information (progiciel). Et c’est l’ensemble de cette organisation du travail qui permettra alors d’atteindre les trois objectifs d’un bon contrôle interne que sont l’optimisation de la gestion des opérations, le respect de la réglementation applicable et la production d’une information financière fiable.

C’est à l’intérieur de cette organisation qu’il sera alors possible de placer les sécurités nécessaires pour la prévention des risques découlant de l’activité exercée et, assez naturellement de définir leur localisation au sein des services (par exemple : la conformité des marchés passés avec la réglementation applicable incombera, assez naturellement aux juristes). Et il s’agira de traiter tous les risques d’importance estimée significative en fonction de l’activité exercée.

Un des facteurs de complexité pour les SEML dans la mise en place d’organisations et de procédures de contrôle interne adaptées tient précisément au fait qu’elles peuvent exercer plusieurs types d’activités relevant de logiques économiques et de réglementations différentes alors même que leurs moyens sont concentrés sur des équipes réduites. Et il appartient alors aux personnels de s’adapter en permanence aux situations rencontrées alors même qu’il n’est pas certain que les modèles d’organisation soient définis par métier.

Les vérifications externes que les SEML connaissent ne suffisent pas, tant s’en faut, à assurer des procédures de vérification de l’exercice de leur mission suffisantes. C’est ainsi que l’on ne saurait considérer que l’intervention des commissaires aux comptes garantit la parfaite tenue de la comptabilité ou que celle des magistrats de la Chambre régionale des comptes permet de garantir une bonne gestion sociale. La raison principale en est qu’il s’agit là de contrôles institutionnels dont l’objet est fort éloigné de la mise en place d’une organisation efficace des tâches au sein de l’entreprise qui suppose une attention soutenue et permanente.

Mais il est tout à fait possible de rechercher, par des vérifications externes, un moyen de garantir le bon fonctionnement du système de contrôle interne.

L’on sait ainsi que la loi a donné aux collectivités publiques clientes ou garantes des SEML les moyens d’accéder à leur comptabilité sur les opérations les intéressant. Et l’on sait aussi que dans le cadre des contrats de mandat qui sont conclus en matière de maîtrise d’ouvrage déléguée, la même faculté existe pour le mandant. Si le contenu de ces vérifications n’est pas toujours strictement défini dans la loi qui les a prévues, rien n’empêche que le contrat conclu puisse le préciser. Il ne s’agit bien sûr pas de trouver là un moyen pour la SEML de s’exonérer de ses rôles et responsabilités dans son obligation de mise en place d’un système cohérent et complet de contrôle interne mais plutôt d’utiliser les moyens à sa disposition pour y parvenir comme d’intégrer à sa réflexion et à ses actions l’importance des relations contractuelles nouées avec ses clients que sont les collectivités publiques.

Le recours à des prestations externes est aussi un moyen de vérification que les SEML connaissent bien, qu’il s’agisse des consultations d’avocats, des audits ou bien encore des « services bureaux ». Dans ce dernier cas, il importe surtout que le contrat conclu définisse très précisément les contours de l’intervention du prestataire, tout spécialement sur les points suivants :

  • la nature de ses missions qui peuvent relever de simples vérifications, plus ou moins étendues ou bien encore de l’accomplissement de tâches incombant normalement à la société ;
  • la direction effective des prestations fournies qui peut incomber au client ou au fournisseur, selon le cas.

Ces précisions sont d’autant plus importantes qu’il s’agit de connaître en les délimitant les domaines couverts par les procédures de contrôle interne du fournisseur et du client.

2          L’INFORMATION COMPTABLE ET FINANCIÈRE DES SEML

Parce que les SEML utilise des fonds publics, elles en rendent compte sous une forme plus appropriée que celle des comptes annuels dont l’objet principal est de refléter leur situation financière et leur patrimoine. et cette information comptable et financière particulière comporte, assez naturellement des liens avec les comptes annuels, ce qui requiert un traitement spécifique des données.

2.1.      Rappel des obligations particulières des SEML

Comme toutes les sociétés commerciales, les sociétés d’économie mixte locales produisent une information comptable et financière que l’on peut qualifier d’habituelle. Mais elles sont également soumises à d’autres obligations qui tiennent à la fois à leur rattachement au secteur public local et aux activités qu’elles exercent.

Le rattachement au secteur public local

Le fait que les SEML soient des institutions du secteur public local a, sans doute, conduit le législateur à prévoir que leur information comptable et financière « commerciale » soit aussi diffusée plus largement qu’il n’est de règle pour les sociétés commerciales.

L’on entend ici, par information comptable et financière « commerciale », les documents que produisent toutes les sociétés commerciales et dont les principales sont : les comptes annuels (composés du bilan du compte de résultat et de l’annexe) et le rapport de gestion du conseil d’administration.

Le Préfet est destinataire, (selon les prescriptions de l’article 6 de la loi du 7 juillet 1983 qui a été repris à l’article L. 1.524-1 du code général des collectivités territoriales) des délibérations du conseil d’administration et de l’assemblée générale des SEML. La circulaire du 16 juillet 1985 précisait dans son paragraphe 4.2.1.1. que ces documents devaient être accompagnés, d’une part, des rapports établis en vue de l’adoption des délibérations et, d’autre part, de l’ensemble des pièces qui s’y rapportent ; il découle de ces dispositions que le Préfet est normalement destinataire de l’ensemble des documents comptables et financiers relatifs à l’arrêté des comptes annuels. Il est aussi destinataire des comptes annuels et des rapports du ou des commissaire(s) aux comptes.

Ces documents sont transmis au Préfet du département dans lequel se trouve le siège de la SEML, dans un délai de 15 jours de leur arrêté ou de leur approbation par les organes de la société. Pour ce qui concerne les comptes annuels, cela revient à adresser au Préfet l’ensemble du dossier, une première fois au moment de leur établissement par le conseil d’administration et, une seconde fois, au moment de leur approbation par l’assemblée générale des actionnaires.

Au ministère de l’Intérieur par l’intermédiaire du Préfet, sont transmis chaque année (selon la circulaire de 1985) :

  • le bilan et le compte de résultat ; il convient de souligner que le ministère semble exclure des comptes annuels l’annexe, ce qui est contraire aux dispositions du droit commercial : l’annexe fait en effet partie intégrante des comptes annuels ;
  • une fiche descriptive contenant principalement le nom de la société, du Président de son conseil d’administration et de la répartition de son capital social.

Sont à la disposition des citoyens, depuis la loi du 6 février 1992 (article L. 2313-1 du code général des collectivités territoriales, pour les communes, sachant que cette obligation vaut pour les autres collectivités), les budgets et les comptes administratifs des collectivités territoriales. À ces documents doivent être annexés les comptes des SEML dont la collectivité territoriale se trouve dans l’une des situations suivantes :

  • elle en est actionnaire,
  • elle a garanti des emprunts souscrits par la SEML,
  • elle en a financé l’activité par voie de subvention de plus de 75.000 € ou représentant plus de la moitié de ses ressources.

Il est précisé, pour ce qui concerne les SEML, que sont mis en pièces annexes au budget primitif et au compte administratif les comptes annuels de la société certifiés par le commissaire aux comptes. En pratique le rapport général du commissaire aux comptes devrait satisfaire aux exigences de la loi car il comporte, en annexe, les comptes annuels contrôlés, c’est-à-dire le bilan, le compte de résultat et l’annexe.

Les activités exercées

En matière d’aménagement, lorsqu’une SEML est liée à une collectivité territoriale par une convention publique d’aménagement visée à l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme et dans le cas où la collectivité a décidé de participer au coût de l’opération, l’article L. 300-5 du code de l’urbanisme prévoit que la convention conclue doit préciser à peine de nullité :

  • Les modalités de cette participation financière….
  • Les modalités du contrôle technique, financier et comptable exercé par la collectivité… : à cet effet la société doit fournir chaque année un compte rendu financier comportant notamment en annexe :
  • le bilan prévisionnel actualisé des activités objet de la convention faisant apparaître d’une part, l’état des réalisations en recettes et en dépenses et d’autre part, l’estimation des recettes et dépenses restant à réaliser,
  • le plan de trésorerie actualisé faisant apparaître l’échéancier des recettes et des dépenses de l’opération,
  • un tableau des acquisitions et des cessions immobilières réalisées pendant la durée de l’exercice.

L’ensemble des documents est soumis à l’examen de l’assemblée délibérante de la collectivité… qui se prononce par un vote.

Depuis l’avis du CNC (Conseil national de la comptabilité) de 1999, ce document que la pratique dénomme « CRACL » (compte rendu à la collectivité locale) est indispensable à la confection des comptes annuels de la SEML.

En matière d’exercice de prérogatives de puissance publique, la loi du 29 janvier 1993 avait complété l’article 1.524-3 du CGCT relatif aux SEML qui ont ainsi l’obligation, lorsqu’elles exercent des prérogatives de puissance publique, d’en dresser un rapport annuel retraçant cette activité. Ce rapport est présenté à l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale et transmis au Préfet. L’usage de prérogatives de puissance publique par une SEML se rencontre notamment en matière d’aménagement, ces sociétés pouvant, dans le cadre de concessions d’urbanisme (devenues les conventions publiques d’aménagement), se voir déléguer l’exercice du droit de préemption ou la poursuite des expropriations (« DPU » et « DUP »). Bien que les textes ne précisent rien quant au contenu du rapport à produire, il est vraisemblable, au moins en matière d’aménagement, qu’il devrait comporter des informations de nature financière et constituer un complément au compte rendu annuel à la collectivité territoriale.

Pour la maîtrise d’ouvrage déléguée, la loi prévoit que les SEML peuvent se voir confier, par mandat (et ce cadre juridique est obligatoire) de telles missions par des maître publics d’ouvrages. Et l’on sait que le code civil impose au mandataire, sans pour autant fixer de règle précise ni de fréquence, de rendre compte de sa mission au mandant. S’il est fréquent, dans le secteur privé, que la reddition des comptes intervienne en fin de mandat, la règle de l’annualité budgétaire qui s’impose aux personnes morales de droit public oblige à une reddition des comptes au moins annuelle.

Les SEML sont ainsi amenées, dans le cadre des mandats qui leur sont confiés par les collectivités à produire une information financière à leurs clients.

La qualité de délégataire de service public oblige à produire un rapport financier annuel (article L. 1411-3 du code général des collectivités territoriales) : « Le délégataire produit chaque année avant le 1er juin à l’autorité délégante un rapport comportant notamment les comptes retraçant la totalité des opérations afférentes à l’exécution de la délégation de service public et une analyse de la qualité de service.

Ce rapport est assorti d’une annexe permettant à l’autorité délégante d’apprécier les conditions d’exécution du service public. ».

Cette information financière annuelle doit être produite, par tout délégataire de service public, avant le premier juin de chaque année. Les collectivités territoriales, clientes des SEML, sont les principales destinataires de leur information financière spécifique. Et ce compte rendu est :

  • soumis à la délibération de la collectivité territoriale ;
  • à annexer au « BP » et au « CA » (budget primitif et compte administratif).

En logement social, si aucune information financière spécifique n’est à produire par les SEML, cela tient sans doute à des textes en cours d’évolution et une telle obligation surviendra peut-être.

C’est ainsi que l’article 166 de la loi « SRU » a introduit un article L. 481-1-1 dans le c.c.h. (code de la construction et de l’habitation) qui fait obligation aux SEML de tenir une comptabilité distincte pour leur activité de logement social : « Leur activité locative sociale fait notamment l’objet d’une comptabilité distincte. ».

Il reste que cette obligation existe et qu’elle peut comporter des conséquences sur la confection des comptes annuels.

2.2.      Les points clés du contrôle interne

Trois points importants sont à noter en matière de contrôle interne pour ce qui concerne l’information comptable et financière particulière aux sociétés d’économie mixte locale.

La responsabilité de la confection et de la diffusion de cette information incombe, en l’état des textes au président du conseil d’administration. Force est d’aboutir à cette constatation, les textes instituant une information particulière à raison de l’activité exercée se bornant à prévoir que ces obligations incombent aux SEML.

Il convient probablement de nuancer cette affirmation, dès lors que cette information particulière comporte des conséquences sur les comptes annuels de la SEML. Et tel est, tout spécialement, le cas pour ce qui concerne le « CRACL » produit pour chaque convention publique d’aménagement. Depuis l’avis du Conseil national de la comptabilité de 1999, les comptes annuels sont établis en fonction des « CRACL » produits de sorte que le lien existant entre les deux peut assez largement faire supposer un partage de la responsabilité entre le conseil d’administration et son président.

Sur le plan des procédures de contrôle interne visant à cette information comptable et financière spécifique, il est très probable que celles-ci ne manqueront pas de viser :

  • la collecte des informations de base qui peuvent provenir de différents services (par exemple, les services opérationnels pour ce qui concerne les budgets d’opérations ou bien les services juridiques pour ce qui a trait aux risques et contentieux et, enfin, les services comptables pour les réalisations) ;
  • leur mode d’organisation au sein de documents formalisés et standardisés comme la supervision des commentaires qu’ils appellent et qui font partie de l’information comptable et financière diffusée,
  • le niveau fixé de responsabilité pour établir, à proprement parler, cette information ainsi que leur éventuelle validation par un service ou par un organe de la société.

La concordance avec les comptes annuels des informations comptables et financières particulière ou, pour le moins, le mode de passage des uns aux autres constitue, très probablement, un point crucial du dispositif mis en place.

Dans certains cas (l’on pense aux redditions des comptes pour les mandats ou bien encore aux « CRACL » des conventions publiques d’aménagement), le lien entre l’information particulière et les comptes annuels est manifeste et parfois direct.

Mais il en va différemment pour ce qui concerne le rapport financier du délégataire de service public. L’on sait en effet que la charge d’investissement est traduite dans la comptabilité par l’amortissement, d’une part, et, éventuellement, les frais financiers, d’autre part, alors qu’elle peut l’être, dans le rapport financier du délégataire, en fonction d’un taux qui aura été convenu lors de la conclusion du contrat de délégation.

Comme les comptes annuels et l’information comptable et financière particulière ne répondent pas aux mêmes objectifs, il est facilement concevable que les modes de leur confection soient différents. Mais il est tout aussi important que demeure une cohérence certaine entre ces documents et que cette cohérence soit formalisée dans le cadre de procédures explicites, pouvant, par exemple, comprendre :

  • la présentation, par type d’activité, du « tableau de passage » entre les comptes annuels et l’information spécifique ;
  • la confection de ce tableau de passage pour chaque information particulière produite (par exemple, en fin d’année) ;
  • les règles de vérification fixées et les modalités de contrôle de leur application.

La diffusion de l’information particulière que produisent les SEML ne leur incombe pas à proprement parler. Il est en effet difficile de concevoir leur reprocher que le « CRACL » ne soit pas présenté en assemblée délibérante de la collectivité initiatrice de l’opération, si celui-ci a été établi et communiqué.

Pour autant, la variété des informations à produire et leur périodicité exigent la mise en place de procédures de communication à l’égard des partenaires extérieurs qui soient efficaces. Et il est probable que cette communication exige la réalisation d’actions de la part des SEML. Pour prendre un exemple, l’on pourrait imaginer que les représentants des collectivités territoriales au conseil d’administration et à l’assemblée générale qui auront, à ces occasions, reçu les comptes annuels de la SEML, les transmettent aux services de leur mandant pour qu’ils soient ensuite annexés au budget primitif et au compte administratif. Mais il est douteux qu’une telle solution soit estimée acceptable. Il est préférable, et de loin, de prévoir que la SEML (son président ou son directeur général ou un de leur préposé) agisse précisément sur cet objet et communique directement l’information requise.

La formalisation des procédures de diffusion des informations comptables et financières des SEML traitera ainsi, tout particulièrement des points suivants :

  • recensement, aussi complet que possible, de l’information à diffuser en fonction de l’activité exercée, des obligations légales comme des engagements contractuels ;
  • définition des modes de communication de cette information (délais, formes…).

CONCLUSION

Comme les sociétés d’économie mixte locales interviennent pour mener des missions d’intérêt général ou de service public, elles sont amenées à utiliser des fonds publics et sont donc soumises à toute une série de contraintes en découlant qui sont la cause des traits particuliers de leurs procédures de contrôle interne. Pour autant, la démarche générale du contrôle interne n’est pas modifiée substantiellement. Il s’agit plutôt d’en souligner les caractéristiques, à chacune de ses étapes.

La compréhension des métiers exercés et de leur contexte réglementaire est d’autant plus nécessaire que les SEML ont fréquemment des activités relevant de logiques économiques différentes : aménagement, immobilier, notamment social et gestion de services publics.

Les risques que recèlent les SEML sont, bien sûr, financiers mais comme elles agissent non seulement pour leur propre compte mais aussi pour le compte des collectivités publiques clientes, ces risques ne leur incombent pas toujours. Au-delà des questions financières, les risques sont aussi juridiques et le régime de la responsabilité des élus administrateurs et dirigeants des SEML sont suffisamment importants pour devoir être pris en considération.

Les procédures mises en place pour s’assurer la maîtrise de la SEML et de ses activités prennent assez généralement en compte ces constatations. Les procédures institutionnelles de vérifications externes que connaissent les SEML ne suffisent pas à satisfaire les exigences du contrôle interne et doivent s’appuyer sur des dispositifs internes.

Les informations comptables et financières que les SEML produisent ne se cantonnent pas à leurs comptes annuels, précisément à raison de leur secteur d’intervention. L’information spécifique produite comporte des liens avec ces comptes annuels ; elle ne répond cependant pas au même objectif et vise plutôt à démontrer un bon emploi des fonds publics. Pour autant, ses liens avec les comptes annuels et ses modes de confection et de diffusion requiert des procédures adaptées.
A toutes les étapes de la démarche du contrôle interne, une attention particulière est à porter aux conséquences quant à la confection de l’information comptable et financière, qu’elle soit commune à toutes les sociétés ou spécifiques aux entreprises intervenant dans le secteur public local. Le commissaire aux comptes, s’il s’intéresse nécessaire à l’ensemble du contrôle interne, portera une attention toute particulière sur ce point.

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