Billet 1997-11-23
Le sport, activité d’intérêt général ou de service public.
Le fondement de la qualification du sport se trouve dans la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives qui a été modifiée à plusieurs reprises, notamment par la loi n° 92-652 du 13 juillet 1992 de même dénomination. Sans reprendre la totalité des articles, certains peuvent être cités qui sont relatifs à la définition des activités sportives :
article 1 : « Le développement des activités physiques et sportives et du sport de haut niveau incombe à l’État et au mouvement sportif constitué des associations et des fédérations sportives, avec le concours des collectivités territoriales, des entreprises et de leurs institutions sociales. ».
L’État est responsable de l’enseignement de l’éducation physique et sportive sous l’autorité du Ministre de l’Éducation nationale (…)« .
article 16 : « … les fédérations sportives agréées par le ministre chargé des sports participent à l’exécution d’une mission de service public« .
Le sport relève ainsi d’une présomption de service public national, les deux critères jurisprudentiels traditionnels étant remplis :
– critère organique : service relevant de l’autorité de l’État, personne morale de droit public,
– critère matériel : relèvent d’un service d’intérêt national : la formation des joueurs, l’organisation des fédérations sportives, le sport de haut niveau, le développement des activités physiques et sportives[1].
Mais la compétence de l’État n’est pas unique pour ce service public : les collectivités territoriales et les fédérations sportives participent également à ce service dans le cadre de leurs compétences respectives. De façon schématique, les différents intervenants sont les suivants :
– l’État pour ce qui concerne l’enseignement,
– les fédérations sportives, soumises à la tutelle de l’État, qui regroupent les différentes associations, ont pour objet la promotion des activités physiques et sportives, délivrent les licences et dispose d’un pouvoir disciplinaire pour faire respecter les règles techniques et déontologiques des différents sports,
– les collectivités territoriales pour les moyens matériels et logistiques[2].
Le sport, activité commerciale
Bien qu’étant un service public, toutes les activités liées au sport ne peuvent pas être qualifiées ainsi et notamment quand elles procurent des recettes d’une certaine importance.
Pour le Conseil d’État[3], une association sportive constituée sous le régime de la loi de 1901, qui « organise de façon habituelle des rencontres de football avec des joueurs professionnels qu’elle rétribue, qui perçoit à cette occasion des recettes importantes et qui recourt largement à toute forme de publicité, exerce la profession d’entrepreneur de spectacles sportifs pour laquelle elle recourt à des méthodes commerciales analogues à celles utilisées aux mêmes fins par les organismes à but lucratif« . Le conseil d’État détache ici les activités purement commerciales du groupement sportif. Cette jurisprudence n’a pas été infirmée ni battue en brèche par les lois nouvelles. Cette interprétation est reprise par le Ministre de l’intérieur[4] quand il affirme que « lorsque l’association ne se contente pas d’organiser des séances d’entraînement et des compétitions pour ses membres amateurs, le caractère lucratif ou pas de son activité doit être regardé au regard de la jurisprudence du conseil d’État » reproduite ci-dessus.
Les manifestations sportives procurent, en effet, aux groupements des recettes parfois importantes. Le décret n° 86-407 du 11 mars 1986 fixant les seuils au delà desquels les groupements sportifs sont tenus de constituer une société à objet sportif ou une société d’économie mixte locale nous fournit, en son article 2, une liste des prestations donnant lieu à recettes pour les groupements sportifs :
– « le montant des entrées payées sous quelque forme que ce soit, pour avoir accès aux manifestations,
– celui des recettes publicitaires de toute nature,
– le produit des droits versés au groupement pour la retransmission télévisée des manifestations, y compris celui des droits de reproduction« .
Le critère de distinction entre mission de service public et activité commerciale peut apparaître délicat en l’absence de définition légale ou réglementaire. Il faut alors chercher des solutions jurisprudentielles ou doctrinales.
Cette distinction est importante, notamment en cas de subventions aux organismes sportifs accordées par les collectivités locales : si de tels versements sont admis en cas de service public, il constituent une aide directe à des entreprises privées s’il s’agit d’une activité commerciale et l’on sait que ces aides sont prohibées.
Notons également qu’une association ou une SEM peut très bien assumer une mission de service public et exercer des activités commerciales. Ce n’est donc pas ici le critère organique qui prédomine dans la recherche de la qualification mais la nature de l’activité en tant que telle.
Sociétés et associations
La distinction entre activité commerciale et d’intérêt général apparaît donc pouvoir être résumée de la façon suivante :
– le service public est caractérisé quand l’activité consiste en la formation, l’entraînement et l’organisation de compétitions pour les membres amateurs, la promotion des activités physiques et sportives…
– l’activité est qualifiée de commerciale quand le groupement sportif organise de façon habituelle des manifestations sportives, analysées en spectacles sportifs, payantes et dont il a fait la publicité, et qu’il rétribue des joueurs professionnels.
Le choix du mode de gestion des groupements sportifs n’est pas libre. Le principe général de répartition entre le mode associatif et la constitution d’une société peut être résumé ainsi :
– constitution d’une société pour les activités commerciales qui ne peuvent, en principe, être subventionnées,
– recours à des associations pour les activités d’intérêt général et de service public pouvant être financées par des fonds publics.
La loi n° 84-610 du 16 juillet 1984, en son Chapitre II intitulé « Les associations et les sociétés sportives« , indique que la forme privilégiée pour la constitution des groupements sportifs est celle associative (indépendamment des associations sportives scolaires et universitaires qui ont un régime particulier et qui ne peuvent, en aucun cas, prendre la forme de société).
Ce n’est que lorsque le groupement sportif, affilié à une fédération de surcroît, participe habituellement à l’organisation de manifestations sportives payantes dont la moyenne des recettes[5] hors taxes doit être supérieure à F. 2 500 000 et qu’il emploie des sportifs contre rémunérations dont le montant global excède une somme de F. 2.500.000[6], qu’il doit, pour la gestion de ses activités, constituer une société anonyme régie par la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales[7]. Le montant total des rémunérations est constitué par l’ensemble des salaires, primes, vacations, avantages en espèces ou en nature, habituels ou exceptionnels, reçus par les sportifs employés par le groupement.
Cette société adopte le régime juridique d’une société à objet sportif ou d’une société d’économie mixte sportive, conformément à des statuts types définis en Conseil d’État.
En dépit de l’intérêt local reconnu aux clubs sportifs par le Conseil d’État[8], on doit dans la plupart des cas les considérer comme de véritables entreprises de spectacles, ayant une activité économique et commerciale. C’est ainsi que la loi n° 92-652 du 13 juillet 1992 oblige une majorité des associations sportives à se constituer en société à objet sportif pour la gestion de leurs activités avec toutefois un régime transitoire de deux ans.
[1] : loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 modifiée, articles 1er et 16.
[2] : voir le code de l’urbanisme, notamment ses articles L. 111-1-2 qui autorise les constructions et installations nécessaires à des équipements sportifs sur le territoire communal et les articles R. 316-14 et 422-2.
[3] : CE du 29 septembre 1982 – n° 25 078-8° et 9°, sous sections.
[4] : J.O. A.N., 14 février 1994, p. 800, question écrite de M. Patrick BALKANY.
[5] : (précisons que les subventions perçues des collectivités locales ne sont pas à prendre en compte au titre des recettes, comme nous le verrons ci-après).
[6] : seuil fixé par le décret n° 86-407 du 11 mars 1986, article 1er.
[7] : rédaction issue de l’article 11, section II de La loi n° 84-610 du 16 juillet 1984.
[8] : arrêt précité, considérant non reproduit.