Billet 2007-04-24
De nombreuses associations prennent en location globale des foyers pour les exploiter : pour la plupart des loyers (la pratique avait consacré le terme de redevance), la TVA ne s’appliquait pas. Il a été question de soumettre ces loyers à la TVA puis le législateur est revenu sur sa décision. Un point financier et réglementaire de ces récentes évolutions n’est pas inutile puisqu’il montre que l’enjeu est plus d’alléger les formalités que de modifier les coûts et les prix.
Et d’abord : quel coût ?
Prenons un exemple, forcément théorique, d’un foyer dont le coût de revient hors taxes est de 1.000.000 et l’on supposera que sa location est de 6 % de ce coût. Il importe peu que la location globale soit ou non soumise à la TVA au taux de 5,5 %, la charge supportée sera, en définitive la même : soit le loyer est de 1.000.000 x 6 % x 1,055 = 63.300, soit il est de 1.000.000 x 1,055 x 6 % = 63.300.
Bien entendu, cet exemple est fondé sur l’idée que le loyer principal est soumis à la TVA au taux réduit parce qu’il s’agit d’une location « en meublé » et que, s’agissant de logement social, il peut être fait application du même taux réduit au titre de la livraison à soi même[1].
Et cette approche vaut pour les bailleurs sociaux. Il faut se souvenir que le loyer est plus souvent calculé en fonction de la charge des financements mobilisés pour la production du foyer : il comprend ainsi l’annuité d’emprunt, la taxe foncière, les grosses réparations, les frais de gestion. Dans ce cas, la TVA est neutre pour la détermination du loyer.
Supposons que le foyer soit financé par un emprunt de type « PLUS », c’est-à-dire d’une durée de 40 ans au taux de 3,55 %, ce qui représente une annuité de :
- 47.191,12, si l’emprunt finance l’investissement hors taxes ; le loyer sera alors de 47.191,12 x 1,055 = 49.786,63 toutes taxes comprises ;
- 49.786,63, si l’emprunt finance l’investissement toutes taxes et le loyer sera de même montant.
Mais cette approche vaut aussi pour les gestionnaires des foyers que sont les associations dont l’on supposera qu’elles visent plus l’équilibre financier que la recherche de profits : elles facturent aux occupants la charge réelle. Si elles ne sont pas soumises à la TVA, la redevance perçue auprès des occupants paiera la TVA qui n’a pas été déduite par la propriétaire et, si elles le sont, la redevance supportera de la TVA payée par les usagers. En tout état de cause, les occupants décaisseront le même prix[2].
La réforme de 2006
C’est par la loi nº 2006-1666 du 21 décembre 2006 (article 24) que le texte de l’article 261 D, 4°, b et c du code général des impôts avait été modifié, assez succinctement en étendant la soumission à la TVA des locations principales de foyers quelle que soit la forme du bail conclu et non plus seulement les baux commerciaux. Avec cette rédaction, la situation des propriétaires de foyers les donnant globalement en location passait au second plan.
Si le gestionnaire du foyer était considéré comme se livrant à une exploitation relevant de la para-hôtellerie, alors la location principale relevait de la TVA, au taux réduit. Et l’on sait que, pour y satisfaire, les conditions étaient faciles à remplir puisqu’il lui suffisait de fournir au moins trois des quatre prestations suivantes : « le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle »[3]. L’on sait que la gestion d’un foyer ou d’un hébergement collectif se conçoit difficilement sans de telles prestations.
Mais le fait de relever de la TVA ne conduisait pas forcément l’exploitant à devoir la facturer aux occupants : c’est qu’il pouvait aussi relever d’une exonération de cette TVA. Car l’exploitation du foyer ou de la résidence sociale peut :
- D’une part, à raison de ses modalités, relever de l’article 261 D, 4°, b du CGI et donc être passible de la TVA ;
- D’autre part, en être exonérée, parce que l’on se trouve en présence d’un exploitant qui est un organisme sans but lucratif au regard de l’article 261, 7 du CGI et qui sera alors exonéré de TVA sur son activité.
Pour le propriétaire des murs, la démarche à suivre était donc de rechercher, auprès de son locataire (l’exploitant du foyer), si les modalités de sa gestion le faisaient ou non entrer dans les prescriptions d’une activité de para-hôtellerie. Si tel était le cas, alors la location principale relevait de la TVA et devait y être soumise.
Et, pour les locations en cours, il aurait alors fallu procéder à quelques régularisations sur la TVA qui n’avait pas été récupérée et qui aurait pu donner lieu à un crédit de départ, selon le mécanisme suivant :
- Déduction de la TVA comprise dans le coût de revient de l’immeuble ;
- Imposition à la TVA de la livraison à soi-même opérée à cette occasion (le changement d’affectation de l’immeuble d’une exploitation exonérée à une exploitation payant la TVA) ;
Il est possible de supposer que le taux de TVA à appliquer à cette livraison à soi-même aurait le taux réduit, soit 5,5 %, pour les immeubles qui ont effectivement supporté une TVA définitive à ce taux (foyers livrés depuis 1998) ; dans le cas contraire, il aurait fallu utiliser le taux normal de TVA, soit 19,60 %. Il est précisé qu’il s’agit là de notre interprétation dont l’approfondissement ou la confirmation est, maintenant de peu d’intérêt.
- Déduction de la TVA due sur la livraison à soi-même avec un abattement de 1/20ième par année ou fraction d’année civile écoulée depuis la mise en service du bien, pour ceux livrés à partir du 1er janvier 1996[4].
La contre réforme de 2007
C’est la loi n° 2007-290 du 5 mars instituant le droit au logement, en son article 47, qui institue la contre réforme en modifiant encore le texte même de l’article 261 D, 4°, c du code général des impôts qui prévoit que l’exonération de TVA s’applique : « Aux locations de locaux nus, meublés ou garnis consenties à l’exploitant d’un établissement d’hébergement qui remplit les conditions fixées aux a ou b, à l’exclusion de celles consenties à l’exploitant d’un établissement mentionné à l’article L. 633-1 du code de la construction et de l’habitation dont l’activité n’ouvre pas droit à déduction. ».
L’on note, en premier lieu, que la question de la forme de la location principale (bail commercial ou non) devient sans portée et disparaît même de la rédaction du texte.
L’on note aussi que le changement réside dans le fait de se préoccuper uniquement de savoir si l’exploitant est ou non soumis à la TVA :
– Si la réponse est positive, alors le loyer principal sera soumis à la TVA ;
– Dans le cas contraire, il échappera à cette taxe et il importe peu de savoir à quel titre l’exploitant ne relève pas de la TVA. Ce peut être parce que les conditions de la para-hôtellerie ne sont pas réunies ou parce que l’exploitant est un organisme sans but lucratif.
Avec cette nouvelle rédaction des textes, il reste aux bailleurs de foyers à s’assurer du régime de la TVA de leurs locataires pour savoir s’il leur faut ou non facturer de la TVA sur le loyer principal.
Il y aura eu quelques semaines d’incertitudes et de flou – entre le 1er janvier et le 7 mars 2007 – mais l’on a pu raisonnablement penser que l’administration ne saisira pas une occasion de cette nature pour se montrer féroce…
Et l’instruction publiée spécialement sur le sujet (BOI « 3 A-3-07 » n° 54 du 13 avril 2007) le confirme : l’affaire est maintenant terminée.
En résumé
Les locations globales de foyers par leurs propriétaires à des exploitants ne relèvent de la TVA qui si et seulement si ces derniers les exploitent « en TVA ». S’agissant du secteur associatif qui bénéficie d’une exonération des impôts commerciaux parce que ne poursuivant pas un but lucratif, la location globale échappe à la TVA.
Mais cela ne constitue nullement une faveur financière puisque les deux solutions se valent : tout au plus, il s’agit d’une simplification administrative.
[1] – Articles du code général des impôts : 278 pour le taux réduit sur les livraisons à soi-même de logements sociaux, 279 pour le taux réduit sur les locations « en meublé » et 257-7°-1-c pour l’imposition à la TVA des livraison à soi même de logements sociaux. Voir aussi Documentation de base n° 8A141, n° 16 s. du 15 novembre 2001.
[2] – Sous réserve, bien entendu, des systèmes d’aide qui existent. Mais, en définitive, la TVA sera la même.
[3] – Selon le texte de l’article 261 D, 4°, b du code général des impôts.
[4] – Pour les immeubles livrés avant, la durée de régularisation est de 9 ans. Au 1er janvier 2007, cela signifie qu’il n’est pas possible de disposer d’un crédit de départ : plus de 10 fractions d’années sont passées.