La note 64 – décembre 2008
La production du logement social est aidée par l’État et cette aide prend la forme de la réduction de la TVA de 19,6% à 5,5% sur le coût de revient des immeubles construits ou acquis. La chose n’est pas nouvelle. Plus récente est l’application de la même solution à l’hébergement social et médico-social qui a fait l’objet de l’instruction fiscale « 8 A-1-08 » du 24 juillet dernier.
Quelques rappels sur le logement social
Pour bien comprendre le mécanisme mis en œuvre pour l’hébergement médico-social, il n’est pas inutile de rappeler la définition même du logement social (que la pratique et certains textes nomment « logement aidé »).
Le critère principal est celui de la clientèle qui est visée et dont les revenus ne doivent pas dépasser certains plafonds ; il s’agit du revenu net imposable et le barème qui existe distingue des plafonds selon les régions, selon le nombre de personne composant le foyer et selon le degré de richesse : social, très social et intermédiaire. Du niveau de revenu des clients découlent les conséquences suivantes :
- Le locataire (ainsi, d’ailleurs, que le propriétaire car le logement social est possible en accession à la propriété) se verra appliquer un loyer réglementé (avec des plafonds de loyer qui varient aussi en fonction des régions et du caractère plus ou moins social du logement) et il pourra bénéficier d’aide pour le paiement du coût de son logement. Cette aide consiste, dans la généralité des cas, en la possibilité de percevoir l’APL (aide personnalisée au logement), ce qui exige que le propriétaire du logement passe une convention avec l’État qui est publiée à la conservation des hypothèques. La pratique parle alors de « logement conventionné », ce qui est un synonyme de logement social.
- Pour que le loyer puisse n’être pas trop élevé, encore faut-il que le financement du logement ne soit pas trop onéreux et il s’agit, pour ce faire, de recourir à des prêts aidés, tels que le « PLUS », le « PLAI » ou le « PLS » (« prêt locatif à usage social » pour le logement social « standard », « prêt locatif aidé d’intégration » pour le logement « très social » et « prêt locatif social » pour le logement « intermédiaire »).
Et l’on retrouve, dans la plupart des textes, notamment fiscaux, ces deux conditions pour qualifier un logement de social : convention avec l’État et prêt aidé.
La principale aide en provenance de l’État consiste à subventionner la production du logement social. Jusqu’en 1996, cette subvention (de 12% du prix de référence) était simplement payée au producteur de logement social par les services de l’État (la « DDE » : direction départementale de l’équipement).
Depuis, cette subvention est payée par le mécanisme de la soumission à la TVA au taux réduit de 5,5% du coût de revient du logement social. Le schéma est alors le suivant, du point de vue du producteur du logement, pendant la phase de production :
- Pendant le chantier, les dépenses supportent la TVA au taux normal de 19,6% qui est payée aux fournisseurs et reversée par ceux-ci à l’État ; le producteur, quant à lui, récupère cette TVA auprès de l’État ;
- Lors de la livraison, le coût de revient de l’opération est arrêté et le producteur calcule la TVA au taux réduit de 5,5% sur cette assiette et la reverse à l’État (c’est la « LASM » : livraison à soi-même).
Bien entendu, l’on peut envisager un autre mode de production de logement social : un promoteur immobilier produit du logement social et le vend à un bailleur social. Dans ce cas, l’on n’utilisera pas la « LASM » : la vente d’immeubles que le promoteur consentira au bailleur social sera simplement soumise à la TVA immobilière, avec cependant application du taux réduit de 5,5%.
Application aux établissements médico-sociaux
La TVA au taux réduit pour la production du logement social a été étendue aux établissements médico-sociaux. Si le schéma général est le même, quelques précisions sont cependant nécessaires dans ce cas.
Les établissements concernés sont ceux accueillant, de jour et de nuit, que ce soit de façon permanente ou temporaire[1] :
- des personnes adultes handicapées (mentionnés au 7° du I de l’article L. 312-1 du CASF) ; sont visés les maisons d’accueil spécialisées (MAS), les foyers d’accueil médicalisés (FAM), les foyers d’hébergement ainsi que les foyers de vie ou les foyers occupationnels ;
- des personnes âgées (mentionnés au 6° du I de ce même article) : sont visés les établissements d’hébergement de personnes âgées (EHPA), les établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD), les unités de soins longue durée (USLD), les logements foyers, les petites unités de vie et les unités pour personnes désorientées.
Le statut juridique de ces établissements importe peu, au regard du champ d’application de la mesure ; il faut toutefois que leur gestion soit désintéressée et cette condition s’apprécie de la même façon que pour les associations. Un renvoi est fait, en ce sens, à l’instruction « 4 H-5-06 » du 18 décembre 2006.
Le caractère social de l’hébergement est apprécié, dans tous les cas, au moyen de l’existence d’une convention avec l’État. A ce stade, une divergence ou plutôt une adaptation au cas particulier de l’hébergement existe car il ne s’agit pas de la convention habituellement rencontrée dans le logement social et qui est prévue par le code de la construction et de l’habitation mais de celle visée par l’instruction « DGAS/SD5D/2008/69 » du 25 février 2008 (relative à la mise en œuvre du taux réduit de TVA à 5,5 % pour certaines activités des établissements sociaux et médico-sociaux). L’on retrouve bien l’idée de tutelle ou d’autorisation administrative qui va ouvrir droit à un avantage fiscal qui n’est qu’une modalité de paiement d’une aide publique.
Une précision est également à apporter au regard de la pratique de la production d’immeubles destinés à l’hébergement. L’on sait que le maître d’ouvrage peut être distinct du gestionnaire (le cas n’est pas rare d’un bailleur social qui produit l’immeuble et le donne en location globale à une association). Il est donc possible que la convention avec l’État soit conclue par le maître d’ouvrage, si celui-ci n’a pas vocation à en assurer la gestion.
S’agissant du recours à un prêt aidé, une distinction est faite, selon la destination de l’hébergement. Pour les adultes handicapés, cette condition n’est pas nécessaire ; sans doute est-il considéré que l’existence d’un handicap suffit à la qualification de social. Pour les personnes âgées, cette condition existe avec cependant deux nuances qui méritent d’être soulignées :
- D’une part, il s’agit du « PLS », c’est-à-dire d’un prêt pour le logement « intermédiaire », ce qui permet d’ouvrir assez largement la clientèle visée. Si le « PLUS » ou le « PLAI » ne sont pas visés, l’on peut raisonnablement supposer – qui peut le plus peut le moins – que le recours à ce type de prêt permettra d’appliquer la mesure fiscale.
- D’autre part, il importe peu que le « PLS » soit ou non effectivement mobilisé. Le principal est que les personnes hébergées respectent les plafonds de ressources de ce « PLS ». L’on retrouve bien ici un des principaux critères de définition du logement social qui est celui de sa clientèle.
Les opérations concernées par le taux réduit de TVA sont celles qui concourent à la production d’immeubles neufs destinés à l’hébergement.
Depuis la fin de l’année 2006, l’administration fiscale a eu l’occasion de préciser ce qu’il convenait d’entendre par travaux qui concourent à la production d’immeubles neufs, par opposition avec les travaux d’entretien de ces immeubles[2]. L’on sait que les premiers sont soumis à la TVA à 19,6 % et les seconds à la TVA au taux de 5,5 %.
Il va de soi – mais la chose vaut d’être dite – que l’imposition à la TVA au titre de la « LASM » au taux réduit ne vaut que si les travaux ont supporté la TVA au taux normal, c’est-à-dire qu’il ont consisté – au moins du point de vue fiscal – en la production d’immeubles neufs. Il s’agit alors de déterminer l’assiette de l’imposition qui correspond au coût de revient de l’immeuble. Diverses précisions sont apportées, soit par l’instruction fiscale qui traite de la mesure pour l’hébergement des handicapés et des personnes âgées, soit dans le cadre de cette technique, appliquée au logement social, dans son ensemble. C’est ainsi que le coût de la construction, s’agissant des immeubles comprend :
- Le prix effectivement payé pour l’acquisition du terrain d’emprise et non pas sa valeur vénale ; l’on sait que le terrain peut être fourni gratuitement par les collectivités locales et cette faveur a pour objet d’encourager la production de tels immeubles ; c’est notamment ainsi que le coût de la prise à bail emphytéotique ou à construction d’un terrain qui n’a pas été soumis à la TVA lors de sa conclusion est, en revanche, exclu de cette assiette ; de la même façon, les terrains acquis par les offices d’HLM en exonération de TVA[3] ne voient pas leur coût compris dans l’assiette de la TVA à 5,5 %.
- Les frais financiers de la période de construction entrent dans l’assiette pour le calcul de la TVA ; il est admis que seuls les intérêts échus pendant cette période sont retenus (en précisant que les intérêts capitalisés avant la livraison sont à considérer comme échus) ;
- Les frais administratifs du constructeur, quelle qu’en soit la nature (il s’agit, principalement, des coûts des services opérationnels du maître d’ouvrage).
Mais il faut veiller à exclure de l’assiette de la « LASM » les investissements mobiliers (sauf ceux qui sont immobiliers par destination et s’incorporent à l’immeuble). La précision est importante car, en matière d’hébergement de handicapés ou de personnes âgées, il s’agit souvent d’investissements lourds à consentir.
Et les ventes d’immeubles neufs destinés à l’hébergement des handicapés et des personnes âgées peuvent aussi relever de la TVA au taux réduit : tel est notamment le cas dans les opérations de promotion immobilière. Les conditions exigées par l’administration sont simples (et sont les mêmes que pour le logement social classique) : existence de la convention avec l’État et engagement pris, dans l’acte de vente, d’affecter les immeubles à l’hébergement de handicapés ou de personnes âgées dont les ressources n’excèdent pas les plafonds de revenus exigés pour l’obtention du « PLS ». Encore faut-il que la vente de l’immeuble intervienne dans les 5 ans de son achèvement, ce qui est la règle de droit commun en matière de TVA immobilière.
Les modalités d’imposition à la TVA au taux réduit ne présentent pas de grandes particularités.
- S’agissant des ventes, la TVA est assise sur le prix de vente de l’immeuble et le redevable en est le vendeur. Le fait générateur et l’exigibilité de la TVA se situent à la date de l’acte de vente.
- S’agissant des « LASM », le redevable de la TVA est le maître de l’ouvrage et il dispose d’un délai d’un an à compter de l’achèvement de l’immeuble pour acquitter la taxe.
Dans les deux cas, la TVA qui a grevé les dépenses de production de l’immeuble sont récupérables, dès lors que les conditions générales de déduction de cette taxe sont réunies.
Les formalités de collecte et de déduction de la TVA sur ces opérations sont, en tous points, ordinaires en ce qu’il suffit de procéder par mention sur les déclarations de chiffre d’affaires (« CA3 »). Une précision cependant : lorsqu’il s’agit de « LASM », l’opération est constitutive d’un secteur distinct d’activité à traiter comme tel.
Reste un point à préciser : celui du sort de la TVA payée au taux de 5,5 % sur l’investissement consenti. Cette TVA n’est pas récupérable par le maître de l’ouvrage, sous réserve toutefois que l’exploitation ne soit pas soumise à la TVA, s’agissant de location en meublé. Or il s’agit du cas le plus fréquent[4] : la location aux clients (les handicapés et les personnes âgées) ne donne pas lieu à perception de la TVA de sorte que la TVA d’amont n’est pas récupérable. La mesure fiscale consiste ainsi à réduire la facture de l’investissement et à réduire le coût de l’hébergement pour les clients. Dans le cas où l’on serait en présence d’une « location hôtelière » qui relève normalement de la TVA et permet de la récupérer sur l’investissement, tout ce mécanisme d’imposition au taux réduit de TVA devient sans objet.
A retenir
Depuis 1996, la principale aide de l’État au logement social est versée par le mécanisme de la réduction de la TVA à 5,5% pour l’investissement consenti. Avec la loi « DALO », cette solution est désormais étendue à l’hébergement des handicapés et des personnes âgées.
La TVA au taux réduit est ainsi applicable aux ventes d’immeubles destinés à cet usage comme à la production de ces immeubles par les bailleurs sociaux ou par les établissements médico-sociaux. Dans ce dernier cas, il est fait application du principe de taxation de la « LASM » (livraison à soi-même) : pendant la phase de production de l’immeuble, la TVA payée à 19,6% aux fournisseurs est récupérée par le maître d’ouvrage ; à la livraison de l’immeuble, son coût de revient est fixé et sert d’assiette au calcul de la TVA à 5,5% qui est alors reversée.
En bref, la principale innovation de ces dispositions consiste à qualifier de logement social l’hébergement des handicapés et des personnes âgées qui satisfont aux conditions de ressources du « PLS ». De là, le même régime de TVA réduite lui est appliqué.
[1] – Les établissements qui pratiquent le simple accueil de jour sont exclus du dispositif.
[2] – Voir l’article d’Élisabeth Bailleux « la TVA au taux réduit sur les travaux dans les logements » – Juris Associations n° 363, 15 juillet 2007 (ou la Note 59 de janvier 2007, sur le site du cabinet).
[3] – En application de l’exonération de l’article 1042 du code général des impôts qui vaut pour les droits d’enregistrement et qui a été étendue, par tolérance administrative, à la TVA.
[4] – Voir l’article de Philippe Giami « la TVA sur les locations globales de foyers » – Juris Associations n° 360, 1er juin 2007 (ou le Billet du 24 avril 2007 sur le site du cabinet).